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Les immigrants et le marché du travail québécois

Les écrits sont innombrables sur la réalité socioéconomique des immigrants au Québec et mon intention, ici, ne consiste nullement à vouloir en retracer les principaux contours, mais bien davantage de tenter de présenter un portrait chiffré de leur situation sur le plan de leur insertion économique actuelle.

Avec 51 959 nouveaux admis en 2013, le Québec accueille un nombre croissant d’immigrants sur son territoire (Immigration, Diversité et Inclusion, 2014), c’est un fait. Autre fait incontestable : ces derniers contribuent indiscutablement au développement économique, linguistique et démographique de la province (MICC, 2011), tandis que  la pénurie de main-d’œuvre qualifiée demeure bien réelle, puisque la fédération des chambres de commerce du Québec (FCCQ, 2010, p.2), précise qu’à partir de 2012-2013 « les personnes qui ont quitté le marché du travail étaient plus nombreuses que celles qui intégreront la population active ». En résumé, il y a donc un besoin réel de main-d’œuvre qualifiée dans la province ! (c’est d’ailleurs le cas pour l’ensemble du Canada), et c’est une bonne nouvelle pour tous ceux et celles qui projettent justement de venir vivre dans la belle province.
Pourtant, et c’est ici que le ciel s’assombrit quelque peu.

En effet, tout d’abord, il est intéressant de constater que la majorité des immigrants prépare assez peu son intégration sur le marché du travail (et c’est normal puisqu’il s’agit d’abord, pour certains, d’assurer leur sécurité en s’établissant dans un pays « libre »). Autrement dit, l’essentiel consiste d’abord à faire le grand saut puis après seulement à s’intéresser à son « employabilité ». C’est alors souvent la découverte et les « mauvaises » nouvelles peuvent alors apparaître (non-reconnaissance de la plupart des diplômes étrangers par exemple). Ce manque de préparation peut expliquer, en partie seulement, le taux de chômage des immigrants qui est significativement plus élevé que celui des Québécois de « souche ».

En fait, l’essentiel de l’explication se trouve ailleurs, mais tout d’abord, voici plusieurs éléments chiffrés qui permettent de brosser un portrait plus précis de leur situation :  en 2006, le taux d’emploi de la population native du Québec (82,6%) était de 11,4 points de pourcentage supérieur à celui des immigrants (71,2%). De plus, le taux de chômage des immigrants y était de 11,2% de la population active, contre 5,2% pour les natifs (Boulet et al., 2010).

Stéphane Marion, chef économiste de la Banque Nationale et interrogé par le journal Les Affaires (2015), précise que le Québec doit absolument mieux intégrer sur le marché du travail les immigrants s’il veut avoir une chance de maintenir une croissance économique. D’ailleurs et comparativement aux autres grandes villes canadiennes, l’orientation au Québec est primordiale car c’est ici que l’intégration économique des immigrants qualifiés y est la plus difficile. Ainsi, le taux de chômage de ces immigrants de langue française atteint 27% à Montréal, tandis qu’il se situe à 14% dans la ville de Toronto (Marion, 2015).

Concernant ce que Girard, Smith et Renaud (2008), qualifie de « discrimination statistique de la part des employeurs », ils avancent l’explication selon laquelle « les employeurs généralisent les caractéristiques de certains immigrants, considérant leur expérience de travail et leur éducation de qualité inférieure à celles acquises au Canada » (p.793).

Conscients d’avoir à acquérir rapidement des premières expériences professionnelles « locales » afin de rassurer les employeurs sur leurs compétences, les immigrants qualifiés seraient d’eux-mêmes enclins à un certain déclassement, en acceptant des premières expériences professionnelles au Québec qui sont situées en dessous de leurs qualifications, gage, croient-ils, d’une meilleure intégration par la suite.

Dans ces conditions, ce sont 43% des travailleurs immigrants âgés de 25 à 54 ans qui se trouvaient en situation de surqualification en 2012, contre 29,7% pour le reste de la population  (MICC, 2013).

Alors qu’ils espèrent que cette situation sera temporaire, celle-ci peut être amenée à perdurer dans le temps dans la mesure où désormais les employeurs successifs se basent sur le niveau du premier emploi pour évaluer de tels candidats. En fait et si l’acceptation d’un emploi sous-qualité contribue, dans un premier temps, à les insérer sur le marché du travail, il entraîne pourtant, par la suite, de fâcheuses conséquences négatives pour les immigrants qualifiés (Bégin, 2009).

En conséquence, leur « suréducation » à l’effet inverse puisqu’elle freine les « possibilités de mobilité ascendante » (Bégin, 2009, p.280).

Girard, Smith et Renaud, (2008), résument cette situation ainsi : « plus le statut économique avant l’immigration est élevé, plus les chances sont faibles de retrouver ce statut une fois au Québec ! » (p.795).

Ils ajoutent que le Canada perd chaque année entre 2 et 5,9 milliards de dollars justement à cause de la sous-utilisation de la compétence des immigrants.

En synthèse et dans son rapport sur la qualité d’emploi des immigrants du Québec par rapport aux natifs, Boulet (2011), précise que ces derniers rencontrent finalement 3 problèmes majeurs sur le marché du travail:

  1. L’emploi atypique (emploi permanent et à temps partiel, temporaire, travail autonome) y est nettement plus fréquent chez cette population;
  2. La surqualification chez les immigrants est plus fréquente que chez les natifs
  3. Le fossé se creuse entre le salaire des immigrants et celui des natifs.

Sur la durée, Renaud (2004) rapporte des éléments suivants :

  • 50% ont trouvé un emploi dans les premières 15 semaines d’arrivée ¤ à la 1re année d’installation,  22% disent faire un travail requérant des qualifications supérieures à celui qu’ils effectuaient dans leur pays d’origine.
  • À la 3e année d’établissement, ce qui correspond à peu près au 4e emploi, on observe une stabilité en emploi.
  •   Il faudra attendre 10 ans pour que 75% des répondants affirment occuper un poste égal ou supérieur à celui occupé dans le pays d’origine.

Dans ces conditions, il est important, pour ceux qui souhaitent s’insérer durablement au Québec, de prendre soin de bien s’informer et se faire conseiller afin de savoir comment travailler au Canada et cela de manière à être ensuite en mesure d’élaborer une stratégie claire et réaliste. Le but étant ainsi d’éviter d’être confronté à une forme de « précarité » au travail qui, à la longue, serait susceptible d’affecter leur moral, voir leur état de santé psychologique  (Kapsalis et Tourigny 2004, cités par Cloutier-Villeneuve, 2014), affectant  même, chez certains, leur optimisme et leur rêve d’une vie meilleure au Québec.

Commentaires

Nancy
26 juin 2018 à 9:20 am

Article intéressant. Est-ce possible d’avoir les références complètes que vous citez ?



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