Comment trouver un emploi au Québec à partir de l’étranger ?

Immigrer au Québec pour y trouver un emploi

De plus en plus de français se demandent comment trouver un emploi au Québec, alors qu’ils sont encore en France et qu’ils envisagent de changer de vie en venant s’installer au Canada.


L’immigration française au Québec n’a jamais été aussi importante.

Chaque année et alors que le gouvernement du Québec ouvre 5000 visas de travail à des Français, ces derniers sont attribués en quelques semaines, parfois en quelques jours, tant la demande est important et l’intérêt grandissant à pouvoir venir travailler au Québec et au Canada et de nombreux français se posent la question de savoir comment travailler au Canada. À cet égard on peut relever quelques chiffres intéressants : 120 000 français seraient installés au Québec (chiffre non vérifié, Consulat général de France, 2013) et dont 90% seraient établis en particulier dans la grande région de Montréal. De plus, le tableau ci-après (MIDI, 2015) recense l’immigration au Québec selon les 15 principaux pays de naissance, la France figurant en 3e place.

Pourtant, tenter de séduire un employeur à distance n’est pas une chose aisée. Néanmoins et à l’heure ou les échanges n’ont jamais été aussi nombreux, cela est de plus en plus accessible.

Encore faudrait-il y penser, s’y préparer et oser !

1re étape : y penser revient à questionner sa véritable motivation à vouloir entreprendre un aussi grand changement,  qui implique une  large réorganisation de sa vie et qui peut tout autant impacter ses proches, quand, par exemple, on est marié et/ou parent.  À cette étape, il s’agit donc de prendre le temps de sérieusement peser les pour et les contres et si possible, profiter de congés annuels pour venir découvrir la « belle province » afin de se faire une idée plus précise. Il n’est pas encore temps de faire une recherche d’emploi au Québec mais davantage de découvrir un monde et une culture susceptible de nous plaire, au point de venir, par la suite, éventuellement s’installer sur cette nouvelle terre d’accueil.

Contrairement à une immigration de type « sud-nord » ou le retour au pays d’origine est difficilement envisageable (instabilité politique, fragilité économique), l’option du retour pour les immigrants provenant de la France est rarement exclue sans être pour autant synonyme d’échec (Papinot, Leher, Vilbrod, 2012). Dans ces conditions, venir vivre travailler au Québec représente rarement une option définitive pour des français qui cherchent avant tout l’opportunité de vivre une expérience humaine riche car nouvelle et qui les sorte de leur réalité économique qui est bien souvent difficile. De plus, il est avéré que bien souvent, les français qui travaillent au Québec s’en sortent, en général, plutôt mieux que les québécois eux-mêmes !  Encore là, quelques chiffres traduisent bien cette réalité : les revenus moyen (37 371 $) et médian (29 002 $) de la population  immigrée provenant de la France étaient, en 2006, plus élevés que ceux de l’ensemble de la population québécoise (32 074 $ et 24 430 $ respectivement).  De plus, les français (tout comme les nouveaux arrivants au Québec) sont majoritairement plus diplômés que les québécois.

En outre, le Québec connaît une réelle pénurie de main d’oeuvre qualifiée !

À cet égard, la fédération des chambres de commerce du Québec (FCCQ, 2010) confirme qu’à partir de 2013, « le nombre de personnes ayant quitté le marché du travail, principalement pour la retraite, a été, pour la 1re fois, supérieur au nombre de personnes qui intégrèrent la population active » (p.3).

Dans ces conditions, nombreux en viennent à se demander s’ils ne pourraient pas davantage « tirer leur épingle du jeu » au Québec qu’en France.  C’est là qu’intervient alors la seconde étape (cruciale) : la préparation.

Comment travailler au Québec

Le 1er élément à prendre ici en considération et d’ordre plutôt culturel.  Alors que les employeurs québécois nourrissent, en général, un apriori très favorable à l’égard des français (ils leurs reconnaissent volontiers de grandes compétences sur la plan technique et littéraire), autant ils ont besoin de rencontrer une personne (en face à face ou éventuellement via skype) afin de mieux la cerner sur le plan de sa personnalité ! C’est un élément essentiel.

Au delà des diplômes, des qualifications et des expériences, les employeurs québécois sont très sensibles à cet aspect. Pourquoi ? Par ce que c’est en scrutant une personnalité qu’ils parviennent à se rassurer quant au fait que la personne sera en mesure de s’intégrer et de rester (tant dans l’entreprise qu’au Québec). Voilà un second point important : le questionnement d’un employeur québécois par rapport au fait de savoir si un candidat français compte rester au Québec !

Il existe de nombreux codes et aspects liés à la culture québécoise du travail ainsi qu’aux normes de flexibilité du travail qu’il est essentiel pour un candidat français au travail au Québec de bien connaître et maîtriser. Contrairement à ce qu’on pourrait croire, il est possible d’en connaître les principales avant même d’être sur place, une fois son visa en poche !

À cet égard, il apparaît clairement que les français (tout comme les nouveaux arrivants au Québec en général) ont une faible connaissance du marché du travail québécois et seraient insuffisamment préparés à l’égard de leur recherche d’emploi.

Ce constant est d’autant plus regrettable qu’il existe un grand nombre de références et de ressources (notamment accessibles sur internet) qui ont pour vocation précisément d’aider les français à intégrer rapidement et surtout efficacement (donc durablement) le marché du travail québécois !

L’importance d’être aidé dans sa recherche d’emploi

Parmi toutes ces ressources disponibles, il est existe une qui, selon moi, est essentielle : avoir recours à un conseiller d’orientation à Montréal.

Il s’agit alors de la 3e étape : oser faire appel à cet expert du marché du travail et alors que vous êtes toujours en France à préparer votre recherche d’emploi au Québec. Pratique quand on en est encore à un stade préliminaire et qu’on songe simplement à regarder du côté du Québec pour voir s’il n’y aurait des possibilités de travail plus intéressantes qu’on France !

Recourir à un conseiller d’orientation quand on est encore en France et qu’on se questionne sur comment trouver un emploi au Québec représente une stratégie qui peut s’avérer fort efficace tant elle permet d’avoir accès à des informations riches, contextualisées et qui aident à avancer dans sa réflexion puis, ultimement, à prendre une décision.

Dans ce cadre, un conseiller d’orientation doit être à la fois un informateur (sur les règles, les normes, les procédures régissant notamment les professions, les études, les organisation et plus largement le marché du travail québécois) mais aussi un guide et un accompagnateur pragmatique et concret dans ses recommandations.

Frédéric Piot, PhD, conseiller en orientation dans les Laurentides et en ligne

Étant moi-même français et conseiller d’orientation au Québec, je connais bien le processus de recherche d’emploi au Québec à la fois depuis la France et une fois installé sur place.

En effet, et après avoir occupé différents emplois (vente, informatique) en France et au Québec, j’ai moi-même entreprise un retour aux études (5 ans) afin d’exercer aujourd’hui cette profession de conseiller d’orientation, en particulier (et de plus en plus) auprès de français qui préparent actuellement leur recherche d’emploi au Québec et alors qu’ils sont  en France.

Grâce à des rencontres régulières via Skype et la possibilité pour eux de passer des tests psychométriques à distance (via un site professionnel que je met à leur disposition), il devient possible d’élaborer conjointement leur projet professionnel au Québec.  Mon expérience dans ce domaine m’amène d’ailleurs à constater qu’ils ont souvent besoin de réaliser un court bilan professionnel puis d’explorer plus en détail les éléments de leur personnalités au travail ainsi que leurs intérêts professionnels car, dans bon nombre de cas, l’installation au Québec est synonyme de réorientation professionnelle pour eux.

Aujourd’hui, j’exerce ma profession de conseiller d’orientation de plusieurs manières :

1° au sein d’une firme-conseil en ressources humaines ou j’accompagne, pour le compte du gouvernement du Québec, des adultes éloignés du marché du travail (en particulier des nouveaux arrivants)  dans leur processus d’insertion/réinsertion sur le marché du travail.

2° en pratique privée où je me concentre davantage sur le développement de carrière (avec des interventions de coaching) auprès de personnes (y compris immigrantes) qui souhaitent se développer sur le plan professionnel et préparer leur recherche d’emploi depuis  la France.

3°  ponctuellement au sein de la clinique carrière de l’UQAM qui offre des services d’orientation professionnelle à toute personne adulte et extérieure à l’université (dans ce contexte, j’accompagne en particulier des nouveaux arrivants qui souhaitent entreprendre un retour aux études et qui cherchent à se faire partiellement reconnaître leurs diplômes obtenus à l’étranger).

Par ailleurs, j’entreprends depuis 2015 un Ph. D.  (doctorat)  en Éducation à l’UQAM avec pour projet d’élaborer et d’évaluer un programme original d’accompagnement en orientation et qui est destiné à des adultes qui sont confrontés à une impasse sur le plan professionnel. Ce projet aide les personnes qui sont en réorientation de carrière. 

Comme d’autres français l’ont déjà fait depuis la France en faisant appel à mes services, n’hésitez pas à me contacter, dés à présent et  grâce à mon service de consultation en ligne ou il me sera alors concrètement possible de vous informer et de vous aider.

Pour en savoir plus sur la profession de conseiller d’orientation au Québec et qui est très réglementée, vous pouvez visiter le site de l’ordre professionnel des conseillers d’orientation.

Travailler au Québec : pour une immigration réussie et non subie !

Immigrer au Québec pour y travailler

Bien que le Canada et en particulier le Québec soit de plus en plus une terre d’immigration (51 000 immigrants reçus au Québec en 2015), il apparaît qu’une proportion importante parmi les « nouveaux arrivants » (c’est ainsi que sont qualifiés les immigrants de moins de 5 ans au Québec)  occupe des emplois qui sont largement sous-qualifiés comparativement à ceux qu’ils occupaient dans leur pays d’origine. À cet égard, près d’un travailleur immigrant sur deux âgé de 25 à 54 ans se trouvait en situation de surqualification en 2012, contre 29,7% pour le reste de la population  (MICC, 2013), tandis que, plus largement, le taux de chômage des immigrants était, en 2006, de 11,2% de la population active, contre 5,2% pour les natifs (Boulet et al., 2010).

Les défis des immigrants au Québec

Face à ces chiffres, il apparaît donc que travailler au Québec s’apparente volontiers à un parcours complexe et pour lequel il est avantageux de bien en connaître les codes et les règles.

En fait, Girard, Smith et Renaud, (2008), résument la situation ainsi : « plus le statut économique avant l’immigration est élevé, plus les chances sont faibles de retrouver ce statut une fois au Québec ! » (p.795) puisqu’il faut attendre près de 10 ans pour que 75% des immigrants sondés affirment occuper un poste égal ou supérieur à celui occupé dans le pays d’origine !

Soyons clairs : il semble que les employeurs québécois aient tendance à généraliser les caractéristiques des immigrants, considérant leur expérience de travail et leur éducation de qualité inférieure à celles acquises au Canada » (Girard, Smith et Renaud, 2008)

De plus, il apparaît que ce constat s’impose partiellement aussi aux immigrants français (qui demeurent les 1ers en nombre à venir s’installer dans la « belle province ») et qui sont nombreux à se questionner quant au fait de venir travailler au Canada et au Québec. En effet et tandis qu’on pourrait croire, spontanément, que les choses sont plus faciles sur le plan de leur insertion socio professionnelle tant les diplômes et les expériences devraient se valoir d’une rive à l’autre de l’océan et cela dans un contexte historique ou les deux nations n’ont cessé de tisser des liens entre elles depuis le 18e siècle, pourtant à y regarder de plus près, la réalité semble se nuancer quelque peu.

Bien que les chiffres soient plus rares pour cette communauté, il apparaît néanmoins clairement  que  les immigrants provenant de la France seraient, parmi les différentes communautés d’immigrants qualifiés s’installant au Québec, ceux qui, en proportion, sont les plus nombreux à repartir dans leur pays d’origine après quelques années passées au Québec ! En moyenne, 50% quitteraient la province après 8 ans (Linquette, 2008). La relative déception sur le plan professionnel chez certains représente certainement une bonne part de l’explication qu’on peut en avoir.

Parallèlement, nombreux sont ceux qui doivent, comme on l’a vu et pour acquérir une première expérience professionnelle au Québec, acceptent des emplois situés en dessous de leur qualification (ou équivalents, mais sur une base temporaire), avec le risque avéré que cette situation de relative précarité ne finisse par s’installer et sans qu’il ne leur soit vraiment possible de retrouver un emploi équivalent à celui qu’ils occupaient avant leur départ.  Parmi les nombreuses explications possibles à ce constat et au-delà du fait que les nouveaux arrivants auraient une certaine « difficulté à s’adapter à la flexibilité d’emploi comme norme du marché du travail nord-américain » (Papinot, Leher, Vilbrod, 2012, p.343), il apparaît que ces derniers auraient une faible connaissance du marché du travail québécois et seraient insuffisamment préparés à l’égard de leur recherche d’emploi. Il semble que cela soit d’autant plus vrai que bien souvent, et lors de leur processus d’immigration, la question de leur employabilité dans le pays d’accueil ne soit pas une préoccupation prioritaire pour eux. Privilégiant d’abord la satisfaction de leur besoin de sécurité (cela est d’autant plus le cas pour des immigrants en provenance de pays politiquement instables), ce n’est qu’une fois installé qu’ils se tournent alors vers leur insertion socio professionnelle.

Ce constant est d’autant plus regrettable qu’il existe un grand nombre de références et de ressources (notamment accessibles sur internet) qui ont pour vocation précisément d’aider les immigrants à intégrer rapidement et surtout efficacement (donc durablement) le marché du travail québécois.  Enfin, tels sont leurs slogans !

L’intérêt d’être accompagné dans se recherche d’emploi

Il existe une option qui pèse de tout son poids dans cette constellation d’informations et de ressources disponibles : consulter un conseiller d’orientation !

En effet et contrairement au rôle éducatif (dans le milieu scolaire) qui lui est volontiers dévolu en France et dans une majorité de pays francophones, au Québec ce professionnel, membre d’un ordre et après cinq années d’études universitaires, a pour mission d’accompagner toute personne dans son  développement professionnel et cela  tout au long de sa vie. En fait, les conseillers d’orientation au Québec sont largement reconnus par la population et les institutions. On les retrouve ainsi dans les écoles, les universités, les institutions gouvernementales, mais aussi dans  les grandes entreprises, les cabinets de conseil en ressources humaines ainsi qu’en profession libérale (on parle alors de pratique privée) ou ils interviennent davantage comme des « psychologues du travail » (le titre de psychologue est réservé au Québec). Par ailleurs, ils sont habilités à exercer la psychothérapie.

Les conseillers d’orientation ont donc de larges responsabilités et qui visent à aider les individus à faire face aux nombreuses ruptures et transitions de carrière qui jalonnent désormais leurs parcours professionnels. À cet égard, les notions de transition et de réorientation de carrière s’appliquent particulièrement aux immigrants qui sont bien souvent amenés à envisager une nouvelle carrière  (et qui passe alors par un retour aux études) lorsqu’ils s’installent au Québec.

En effet, dans un contexte de marché du travail ou de nombreux métiers et formations apparaissent tandis que d’autres disparaissent (Vondracek et Porfeli ,2004) et/ou justement les retours aux études (Guichard, 2003) et les transitions entre les emplois se multiplient (Michaud, 2006), il apparaît que les décisions prises par les individus sur le plan professionnel doivent faire l’objet d’une réflexion approfondie, en particulier quand il faut intégrer de multiples informations sur les spécificités propres au marché de l’emploi et du travail québécois. Tout cela requiert du travail, de la préparation ainsi qu’un accès privilégié à des informations ciblées qui tiennent compte de la spécificité de chacun.  C’est donc dans cette quête qu’être accompagné par un conseiller d’orientation devient particulièrement  pertinent, en particulier lorsqu’il s’agit de faire une réorientation de carrière.

C’est dans ce contexte que je m’inscris puisqu’à la suite de mon immigration au Québec, en 2005, et après plusieurs années passées à occuper des emplois en gestion, en ventes et comme chef d’entreprise (en France, à Paris, en province puis à Montréal), je me suis moi-même réorienté en devenant conseiller d’orientation.

Frédéric Piot, PhD, conseiller en orientation dans les Laurentides et en ligne

Aujourd’hui j’exerce cette profession de 3 manières :

1° au sein d’une importante firme-conseil en ressources humaines ou j’accompagne, pour le compte du gouvernement du Québec, des adultes éloignés du marché du travail (en particulier des nouveaux arrivants)  dans leur processus d’insertion/réinsertion sur le marché du travail.

2° en pratique privée où je me concentre davantage sur le développement de carrière (avec des interventions de coaching) auprès de personnes (y compris immigrantes) qui souhaitent se développer sur le plan professionnel.

3°  ponctuellement au sein de la clinique carrière de l’UQAM qui offre des services d’orientation professionnelle à toute personne adulte et extérieure à l’Université (dans ce contexte, j’accompagne en particulier des nouveaux arrivants qui souhaitent entreprendre un retour aux études et qui cherchent à se faire partiellement reconnaître leurs diplômes obtenus à l’étranger).

Par ailleurs, j’entreprends depuis 2015 un Ph. D.  (doctorat)  en Éducation à l’UQAM avec pour projet d’élaborer (à partir de nouvelles approches) et d’évaluer un programme original d’accompagnement en orientation et qui est destiné à des adultes qui sont confrontés à une impasse sur le plan professionnel.

Finalement, je serai heureux de pouvoir vous faire bénéficier de ma double expérience professionnelle, Française et Québécoise, ainsi que double compétence à la fois en administration des affaires et en orientation.

N’attendez pas d’être installé au Québec pour entamer votre démarche d’insertion professionnelle québécoise !

Comme d’autres immigrants l’ont déjà fait en faisant appel à mes services, n’hésitez pas à me contacter, dés à présent et  grâce à mon service de consultation en ligne ou il me sera alors concrètement possible de vous informer et de vous aider comme si nous étions déjà ensemble.

 

De la responsabilité du conseiller d’orientation de prendre toute sa place et de tordre le cou au mythe du soi unique

Je commencerai ici ce billet par une question : comment aider adéquatement une personne à identifier une voie professionnelle alternative qui lui soit durablement satisfaisante sans pour autant, dans le même temps, l’aider à se débarrasser de certains affects négatifs (stress, anxiété, découragement) paralysants et qui sont associés à son insatisfaction professionnelle  pour laquelle elle nous consulte ?

D’évidence, il apparaît qu’il est alors nécessaire, pour un conseiller d’orientation, d’intervenir à la fois sur les aspects psychologiques sous-jacents tout autant que sur ce qui pourrait contribuer à accroître sa satisfaction au travail. 

Pourtant, il semble que ce ne soit pas nécessairement le cas. Je m’explique.

Bon nombre d’individus qui consultent en orientation professionnelle expriment la croyance selon laquelle leur « détresse » psychologique liée, par exemple à leur situation d’insatisfaction professionnelle actuelle, disparaîtra d’elle-même dès qu’ils auront trouvé une nouvelle voie à leur carrière. Peut-être même LA voie, unique et taillée sur mesure, qui engloberait leur personnalité dans son ensemble au point qu’ils se sentiraient alors enfin reliés à leur  être profond, unique et intime.

Face à cette « tendance » de la part de certains de nos clients à vouloir nous solliciter sur de tels enjeux, il me semble que nous évitons pourtant difficilement les deux écueils suivants :

1° nous ne ciblons pas les affects négatifs (anxiété, stress, découragement) qui sont susceptibles d’être pourtant fortement ressentis lorsqu’une personne vit une situation de profonde insatisfaction sur le plan professionnel et, consécutivement, nous ne prenons pas toute la mesure de l’influence de ces affects sur les comportements que cette dernière adopte alors pour tenter de trouver des solutions.

2° nous demeurons focalisés sur une approche essentiellement introspective (Ibarra, 2004) qui privilégie la découverte d’une personnalité et de manière à faire ressortir la vraie nature d’un individu, de façon à ce qu’ensuite puissent surgir des métiers qui lui correspondrait et vis-à-vis desquels il se retrouverait alors pleinement…Sans entrer dans le détail, s’inscrivent dans cette perspective les approches développementales et d’appariement ainsi que le recours à la psychométrie (en particulier les inventaires d’intérêts et de personnalité).

Sans chercher à dénigrer une telle approche qui demeure fort pertinente pour comprendre la façon dont les individus à la fois choisissent leurs métiers et bâtissent leur carrière, il me semble qu’en y ayant recours, nous entretenons tout de même et sans le vouloir (bien entendu !) le mythe selon lequel il existerait quelque part une carrière qui correspond au soi profond de l’individu. De plus, en procédant de la sorte, nous associons de fait notre profession aux yeux du public à ce professionnel qui serait alors susceptible de parvenir à un tel résultat.

Il me semble qu’il s’agit là d’une position d’équilibre qui, dans le contexte de changements et mutations permanentes que nous connaissons, me semble bien difficile à tenir !

Combien de fois n’ai-je entendu de la part de clients, le désir de rencontrer un c.o pour explorer de nouvelles possibilités de carrière qui s’offriraient à eux, de trouver un métier fait pour eux et auxquels ils n’auraient pas déjà pensé….Que de choses dont nous avons certainement bien conscience, qui nous agacent peut-être aussi un peu et que nous alimentons finalement… Faute notamment de vouloir « prendre toute notre place » ?

Sur le plan institutionnel, la révision récente du champ d’exercice de la profession de conseiller d’orientation (OCCOQ, 2010), modernise en profondeur (Locas, 2014) la notion d’évaluation qui est centrale dans les pratiques d’accompagnement des c.o (OCCOQ, 2010). En effet, il y est fait mention de l’importance pour les c.o de jauger adéquatement le fonctionnement psychologique de leurs clients (OCCOQ, 2010). Plus précisément, il est question d’aller au-delà de l’évaluation des caractéristiques de la personne (par exemple ses intérêts et ses traits de personnalité) afin d’être plus global et de prêter une attention plus particulière à ses croyances, ses émotions, ses pensées et ses comportements ainsi qu’à leurs conséquences au niveau, notamment, des stratégies qu’elle met en place pour s’adapter et s’autoréguler ! Nous y voilà !

Il nous est donc expressément demandé de nous intéresser de plus près aux affects négatifs de la personne, de les prioriser dans l’évaluation que nous faisons de son fonctionnement psychologique et de manière à l’aider à retrouver « un mieux-être personnel et professionnel » (OCCOQ, 2010, p.11). Ne serait-il alors pas temps de la prendre toute cette place qui nous revient ?! »

Mais souhaite-on vraiment la prendre ?

Il est vrai qu’il peut-être est si tentant  de continuer de nous conformer à ce qu’on a toujours attendu de nous quand on entrait, déjà jadis, dans le bureau d’un orienteur : « se faire dire quoi faire », bref : trouver un métier !

Pourtant, ne devrait-il pas être loin derrière nous le temps où l’orientation professionnelle était seulement considérée comme une problématique éducative ?!

Bien entendu, des nouvelles manières d’opérer l’accompagnement au changement existent dans de nombreuses disciplines (que ce soit en orientation professionnelle ou en coaching par exemple) et il serait vraiment présomptueux d’affirmer ici que rien ne change !

À cet égard et en réponse (tentative de) aux écueils exposés précédemment, je souhaiterais en exposer deux :

1° Il existe en dehors du champ de l’orientation des approches psychologiques qui ciblent en priorité les affects négatifs, non pas dans le but de modifier le contenu des pensées, mais plutôt pour changer la relation que les individus entretiennent avec celles-ci car c’est précisément cette relation qui est à l’origine de leur souffrance et qui les empêche ainsi de se mettre en mouvement pour trouver des solutions.

Ainsi, la thérapie d’acceptation et d’engagement (ACT) s’inscrit dans ce cadre. Par exemple, la matrice représente un diagramme interactif (Schoendorff et al ; 2011) qui permet de prendre peu à peu conscience du fait que certains de nos comportements sont directement consécutifs de ce que nous ressentons de négatif quand nous sommes exposés à une situation difficile et qu’ils ont pour conséquence de nous éloigner des choses et des gens qui comptent pour nous dans la vie alors même que nous croyons fermement qu’ils devraient nous en rapprocher. Par exemple, face à une profonde situation d’insatisfaction sur le plan professionnel, nous pouvons décider de rencontrer un professionnel pour être aidé, pensant alors que cela peut nous aider tandis qu’en fait ce comportement peut tout autant nous maintenir à distance de ce qui est important pour nous (par exemple nous épanouir dans notre travail).

Dans le fond et à travers la matrice, il s’agit d’enseigner aux personnes, qui sont aux prises avec des affects négatifs liés à leur insatisfaction de carrière, à devenir plus souple sur le plan de leur esprit en apprenant à « trier leurs expériences et leurs actions » (Schoendorff, 2016) et de manière à s’engager dans la construction d’une vie professionnelle davantage reliée à ce qui est important pour eux et cela même en présence de ce que cet « effort » peut susciter chez eux de stress et d’inquiétude. Il y a donc dans l’utilisation de la matrice la possibilité d’intervenir directement sur ce qui paralyse l’individu (lui apprendre à faire de la place à ce qu’il ressent comme douloureux et sans que cela ne le paralyse) et de le soutenir en direction d’un changement positif pour lui. Finalement, l’utilisation de cet outil se voudrait ainsi complémentaire aux approches classiques en orientation citées plus haut.

2° Pour sortir d’une approche basée sur la planification et l’implémentation qui découle du mythe du soi profond tel qu’évoqué précédemment, Ibarra (2004) propose un modèle alternatif : celui du test et de l’apprentissage.

En orientation, cela ne nous est pas inconnu : il s’agit d’inciter la personne à envisager puis explorer (en testant via l’expérimentation) différents soi possible plutôt qu’un seul et qui saurait prétendument répondre à toutes ses attentes. Je vous reproduis ici ce modèle du changement :

J’ajouterais que ce modèle alternatif du changement ( « career change process ») trouve son opérationnalisation dans une pratique de coaching qui vise à établir un plan d’action pour permettre de tester concrètement différentes avenues de carrière possible. En ce sens, l’orientation professionnelle et certaines pratiques de coaching trouvent ici à mon goût une belle complémentarité.

Ne viser aucun but : une manière de contrecarrer notre insatiable besoin de sécurité en orientation de carrière ?

Il est, en occident et dans notre monde du travail, une préoccupation bien visible chez bon nombre de ceux et celles qui consultent en orientation professionnelle (mais pas uniquement bien entendu !) : celle qui consiste à vouloir s’assurer de faire des choix (d’études, de métier et de carrière) qui soient fiables, sûrs et qui traduisent alors notre capacité à agir d’une manière qui produise à tout coup l’effet recherché en atteignant le but visé, bref, qui ne tolère que peu l’imprécision, le doute, l’hésitation et nous mettant ainsi hors de danger en éloignant de nos vies professionnelles le risque et l’incertitude.

Être en sécurité (ce besoin dépasse d’ailleurs largement la sphère professionnelle), c’est donc être confiant et serein en un avenir qui se consomme au présent, porteur d’assurance et de stabilité.  Pourtant, ce besoin de sécurité n’est-il pas en même temps le signe d’un monde désenchanté ? (Foessel, 2006) ou le contrôle, illusoire et tournant parfois à l’obsession n’est que l’expression de notre incapacité à voir les choses juste comme elles sont, pour ce qu’elles sont et non comme on voudrait qu’elles soient…. cherchant alors absolument à en modifier nécessairement le cours et le déroulement ?

Étrange vision des choses quand on sait que, par ailleurs, le seul élément qui soit véritablement stable prévisible et certain dans nos vies est précisément le changement….N’y aurait-il pas une certaine contradiction du coup à tant vouloir privilégier la recherche de sécurité alors même que tout n’est que transformation, impermanence et incertitude autour de nous, à commencer par le fait que la vie humaine elle-même fait de nous des passagers, des visiteurs d’un territoire qui nous échappe en bien des aspects ?…

Il est vrai que depuis Sénèque, nous sommes convaincus qu’il n’est « nul vent favorable pour celui qui n’a pas de but ». Ainsi, notre bonheur (au travail) serait conditionné à notre aptitude à nous donner des buts, des objectifs, des horizons, puis à les atteindre après nous y être fermement tenus, témoignant alors de notre force de caractère et de notre « excellence ».

Évidemment, il n’est pas question ici de discuter cette conception des choses et du monde selon laquelle nos actions devraient donc répondre à une intention, une visée, voire une ambition.  En orientation, on évoque ainsi aisément avec ceux qui nous consultent le fait de définir une direction, d’établir un projet qui fasse l’objet d’un plan d’action.

Pourtant, d’autres voies existent et c’est de cela dont il s’agit ici.  Ainsi et dans la continuité de mon précédent billet (qui portait sur le paradoxe du poisson rouge), les Chinois, pour leur part, considèrent davantage que le chemin est plus important que la destination. Conception difficile à saisir pour un Occidental pour qui la conception du monde s’articule volontiers autour d’une finalité (d’un sens et d’un but) et selon une vision linéaire du temps (Caillau, 2015), marquée par un passé, un présent et nourrit d’intentions d’avenir…

De manière différente, en Chine, la détermination d’un but présente deux inconvénients fondamentaux (Caillau, 2015) :

  1. Elle représente une source de tension qui gaspille l’énergie vitale de l’homme et en conséquence en raccourcit la durée de vie.
  2. Elle n’autorise pas de voir ce qui se passe à la hauteur du sol et ainsi d’être â même de saisir et capter les opportunités (professionnelles) qui se présenteraient alors à soi.

Cette seconde analyse se rapproche d’ailleurs volontiers des certaines notions contemporaines et forts intéressants en orientation tels que l’incertitude positive (Gelatt, 1989),  la sérendipité (c’est à la dire la capacité de tirer des enseignements de découvertes fortuites et ainsi de trouver quelque chose qu’on ne cherchait pas), l’imprévu créateur (à savoir apprendre à tirer profit de situations d’indécision) et la synchronicité.

Ce qu’enseigne la tradition chinoise à travers l’animal symbolique qu’est la carpe consiste précisément à ne « viser aucun but » (Caillau, 2015), en faisant preuve de souplesse, de curiosité, pour tracer son chemin au fur et à mesure qu’on avance.  Ainsi que le souligne très justement Caillau (2015), et alors qu’en occident nous cherchons surtout à « développer nos muscles » (p.35) en valorisant l’idée d’un bonheur qui passe par une finalité acquise, les Chinois privilégient davantage le renforcement du souffle.  Ainsi Caillau précise que selon le taoïsme « le gage de longue vie est de préserver, d’affiner, de renforcer toujours son capital d’énergie […] avec pour principe de vivre le plus longtemps possible en bonne santé grâce à des exercices de respiration et d’autodiscipline. Ainsi, un homme qui sent prendre sa respiration et garder son souffle réussira toujours tandis que l’arriviste s’épuise et le rêveur s’enlise » (p.35). À trop vouloir contrôler en valorisant avant tout notre indépendance et notre si chère autonomie, les chinois offrent un point de vue radicalement différent, ou le fait de vouloir ne consiste pas nécessairement à pouvoir, appelant ainsi l’homme non pas à chercher sans cesse à transformer le monde, mais bien davantage à s’y adapter.

Le Tao te King recommande de « devenir aussi souple que l’eau qui trouve toujours son chemin en s’adaptant au terrain » (cité par Caillau, 2015, p.36). Ne serait-il pas présomptueux de croire qu’il est réellement possible de transformer les choses ? Ne faudrait-il pas davantage chercher à les accompagner, en les prenant comme elles sont et pour en tirer parti ?  Peut-être s’agirait-il alors et avant tout de faire ce qu’il faut pour que les choses se fassent ainsi d’elles-mêmes ?

 

Le paradoxe du poisson rouge

Reprenant ici le titre et les principales idées développées par Hesna Caillau dans son ouvrage intitulé le paradoxe du poisson rouge (2015), je trouvais intéressant de vous les partager tant il me semble que certaines ont une résonnance intéressante dans le champ de l’orientation.

La carpe (nommée carpe Koi), omniprésente dans la culture chinoise, revêt un caractère sacré pour les Chinois et qui lui prêtent volontiers 8 vertus principales menant à la réussite (ce qui n’est sans rappeler « l’octuple sentier » pour sortir de la souffrance et que j’évoquais déjà dans un précédent billet ).

Je m’attarderai donc dans ce billet à la première d’entre elles : ne se fixer à aucun port. Ici, l’idée de Confucius prédomine, « être sans idée pour rester ouvert à tous les possibles ». L’auteur nous précise qu’il ne s’agit non pas de n’avoir aucune idée, mais plutôt de n’en privilégier aucune pour être mieux à même de s’adapter aux situations toujours changeantes de notre monde moderne.

En orientation, on le sait bien, les bouleversements induits par la mondialisation de l’économie et des échanges conduisent à devoir redéfinir le concept de carrière, de travail et à accorder plus d’importance justement aux changements et aux transitions professionnelles. Il est alors davantage question de construire sa propre histoire professionnelle, Riverin Simard évoquant à ce titre le chaos vocationnel, tandis que Boutinet parle d’immaturité de la vie adulte. Pour d’autre encore il est question de développer la conscience de soi et l’adaptabilité, qualités relatives à la gestion de soi-même et de sa carrière, celle-ci étant désormais considérée non plus comme un métier, une profession présentant des étapes successives et qui s’inscrivent dans une trajectoire linéaire, stable et prévisible, mais davantage comme le produit d’un processus continu d’apprentissage tout au long de la vie et durant lequel il faut apprendre à composer avec les imprévus et l’incertitude.
Ainsi que le souligne l’auteur dans cet ouvrage, pourquoi tant chercher à s’attacher à des idées (et des croyances) puisque la réalité elle-même est de toute façon en transformation permanente ? En fait, il s’agirait plutôt de préciser des grandes orientations tout en demeurant souple et flexible à ce qui n’était pas anticipé, préparé, envisagé, prévu….probablement plus aisé à dire qu’à faire….et pourtant. Le changement n’est-il pas fondamentalement dans la nature même des choses ? Cela nous renvoie à cette notion d’impermanence si chère aux bouddhistes notamment.

Cette idée de souplesse se retrouve dans la forme de la carpe elle-même et qui ondule dans tous les sens, nous rappelant ainsi « l’importance pour la pensée de ne se raidir dans aucune position » (Caillau, 2019, p.17). Il est question ici du livre sacré des Chinois, le Yi King, appelé le livre des mutations et qui cherche à développer chez l’homme ouvert à l’inattendu son pouvoir intuitif….la question qui est posée n’est pas « est-ce que ma vie (professionnelle) va s’arranger ? », mais plutôt « que dois-je faire ici et maintenant pour ma vie s’arrange ? » nous invitant alors à mobiliser notre intuition pour trouver notre propre réponse.
Le Yi King nous propose ainsi de sélectionner parmi 64 hexagrammes (ou situations types) celles qui seraient le plus en écho avec la situation particulière et professionnelle ou l’on se trouve (Caillau, 2016, p.20). Beaubien (1994), nous rappelle que Jung a d’ailleurs pu élaborer son concept de synchronicité (occurrence simultanée d’au moins deux événements qui ne présentent pas de lien de causalité, mais dont l’association prend un sens pour la personne qui les perçoit, Wikipédia) après avoir pratiqué le Yi King et qui peut se résumer comme étant « un procédé divinatoire permettant à un individu d’identifier le texte ou l’hexagramme qui est en rapport avec son vécu propre » (p. 10).

Le fait de ne se fixer à aucun port permet la recherche de la vision juste et qui représente la 1re des 8 étapes du noble sentier octuple pour sortir de la souffrance, cette dernière étant principalement causée par le déni de réalité tant sur soi que sur le monde qui nous entoure. Caillau (2016, p.22), rappelle ainsi :

  • Nous ne voyons pas le réel tel qu’il est, mais selon nos désirs et nos craintes.
  • Nous ne le voyons pas non plus dans sa globalité, car nous ne nous intéressons qu’aux choses en surface, oubliant alors de nous intéresser à ce qui est plus profond et immergé…..N’est-ce pourtant pas ici le point de départ d’une authentique démarche d’introspection en orientation ?

Apprendre à aimer davantage ce qu’on fait en attendant de faire vraiment ce qu’on aime

Dans le prolongement d’un billet précédent et qui portait sur la sagesse du bouddhisme en orientation professionnelle, je souhaiterais ici rapporter quelques éléments intéressants au sujet du zen et ses implications vis-à-vis du travail.

En effet, bien souvent nous nous retrouvons parachutés dans un environnement, des tâches, des responsabilités et des conditions de travail qui ne nous conviennent pas ou plus tout à fait, mais nous n’avons guère le choix de demeurer en place et en attendant de trouver une solution « miracle », par exemple en consultant un orienteur. C’est notamment dans cette « attente », ce passage étroit et délicat entre deux états que le zen peut nous aider à apprécier davantage ce que nous avons déjà en attendant de parvenir à trouver ce que nous souhaitons réellement à l’égard de notre emploi.

Pour le résumer simplement, le zen consiste en une « culture d’une conscience du sacré dans les gestes simples de la vie quotidienne (Losier, 2008, p. 43).  Puissant outil de connaissance de soi, le zen consiste à clarifier la vision que nous avons de notre nature (Toula-Breysse, 2010).  Ainsi que le précise Toula-Breysse (2010 ; p.2),  de nombreux ouvrages dédiés au zen reprennent cette formule : « Lorsque vous ne pratiquez pas le zen, les rivières sont des rivières et les montagnes sont des montagnes. Lorsque vous pratiquez le zen, les rivières ne sont plus des rivières et les montagnes ne sont plus des montagnes. Lorsque vous réalisez le zen, les rivières redeviennent des rivières et les montagnes redeviennent des montagnes. Lorsque vous atteignez l’éveil, les rivières deviennent des montagnes et les montagnes deviennent des rivières. » Chacun doit découvrir le zen par lui-même grâce à l’expérimentation, tout en observant le spectacle du monde avec sagesse et compassion ».

«Détourné de son sens premier, vidé de sa quintessence, le mot zen s’est substitué aux expressions « cool » et « relax », en vogue dans les années 1970 et 1980, pour devenir ce mot chéri des publicitaires qui l’utilisent dans toutes sortes de slogans » ( Toula-Breysse, 2010,  p.1). En fait, le terme zen signifie méditation et c’est au Japon qu’il s’est le plus enraciné. Méditer oui, mais en restant bien dans le réel, le concret en se focalisant sur le processus afin de comprendre de manière plus intuitive ce qui nous entoure et comment nous fonctionnons, car « seule la connaissance de soi permet de trouver la paix intérieure » (Toula-Breysse, 2010, p2).

Démarche de mise en face de soi-même, l’histoire suivante résume ainsi bien la posture du zen : « lors d’un long voyage, deux moines arrivent devant un fleuve. Il n’y a pas de pont. Ils se décident à le franchir à gué quand une séduisante femme arrive et leur demande de l’aider à rejoindre l’autre rive. Le plus âgé lui propose de traverser sur son dos. La belle accepte et retrousse son kimono. Après avoir été remerciés, les deux religieux la saluent et reprennent leur route. Après des heures de marche silencieuse, le plus jeune ne peut se contenir : « Qu’est-ce qui vous a pris de faire passer le fleuve à cette fille ? Vous savez qu’il est interdit pour les hommes qui appartiennent à notre communauté d’entretenir avec les femmes le moindre commerce ! » Le vieux bonze sourit et lui répond : « Vous devez être fatigué d’avoir porté si longtemps cette personne en vous. Moi, je l’ai déposée dès notre arrivée. »

L’impérieuse nécessité de se défaire des désirs allège l’existence. Les pensées égarent, les émotions aveuglent. L’agitation mentale est source de souffrance et d’emprisonnement. Se laisser submerger dans un océan de sentiments, de convoitises et d’aversions empêche de voir les choses comme elles sont. Regarder la réalité sans chercher le vrai est essentiel. Pour cela, il faut cesser de chérir des opinions. Deux moines observent une bannière flotter au vent. Pour l’un, c’est le vent qui la met en mouvement. Pour l’autre, c’est le drapeau lui-même qui se meut. Pour leur maître, c’est leur esprit qui produit le mouvement réel. Il n’y a donc rien de systématique dans le zen » (Toula-Breysse, 2010, p.3).

Voilà une démarche introspective dont les visées rejoignent clairement celles de l’orientation professionnelle.

En contexte professionnel et alors que notre insatisfaction nous amène parfois à sortir totalement du moment présent pour nous laisser entraîner par des pensées négatives tout en nous projetant mentalement ailleurs, le  zen nous invite alors à porter à nouveau attention sur chacun de nos gestes pour réapprendre à ancrer notre esprit dans le présent. Davantage sensible à ce que faisons alors ainsi qu’aux effets de nos comportements, nous sommes susceptibles de trouver peu à peu de nouvelles manières d’opérer et d’assumer nos tâches et ainsi d’accroître progressivement notre niveau de satisfaction.

Une telle démarche n’est d’ailleurs pas sans rappeler celle proposée par la théorie du Flow, élaborée par le psychologue hongrois Mihaly Csikszentmihalyi et qui consiste en un moment de grâce caractérisé par un état d’absorption totale dans une activité qui représente un défi et qui est accompagné d’un sentiment d’accomplissement et d’une grande satisfaction  (Bond, 2015).

Revenons au Zen. Losier (2008), identifie ci-après certains exemples concrets d’inspiration zen (impossible de tous les citer ici) et qui peuvent être intéressant en orientation professionnelle, suscitant l’analyse, la réflexion, l’intuition envers sa situation d’insatisfaction, tout  en ayant recours à des formes surprenantes et inusitées d’introspection et de réflexion. Par exemple :

reprendre la technique des très courts poèmes japonais, les haïku, à son compte. Ces derniers ont pour objet de capter en 3 lignes ou 17 syllabes la réalité de l’instant. Sobre et simple, le haïku exprime les émotions ressenties et incarne une forme de méditation. Ils permettent à la fois « la prise de conscience et l’expression de l’ici et maintenant » (Chidiac et Obégi, 2003). L’épuration lexicale des courts poèmes favorise la clarification de la pensée. Ainsi que le résument si bien Chidiac et Obégi à leur sujet (2003) : « trois vers suffisent à faire naître ou taire une émotion ; trois vers suffisent à résumer une vie blessée et en faire éclore une nouvelle » (p.529).  En voici un exemple typique :

Un vieil étang

Où plonge une grenouille

Plouf !

Face à son insatisfaction de carrière ou à évènement particulier en faisant partie, le recours un haïku peut alors favoriser des prises de conscience par la concision et la précision des mots employés.

Un autre moyen peut être le recours au koân, une question à laquelle il faut répondre et qui offre alors l’occasion de découvrir ce qui est, au-delà même des mots (Losier, 2008), et des restrictions langagières. Il s’agit de dérouter non pas tant pour révéler l’absurdité ou le vide de toute pensée,  mais surtout pour bousculer l’esprit dans son carcan de signification (Kim, 2011), et pour laisser jaillir l’intuition en amenant à reconsidérer son point de vue sur une situation d’impasse à l’égard de sa carrière professionnelle par exemple.

Le koan n’est pas un problème à résoudre dans un temps imparti. C’est une sorte d’énigme irrationnelle que l’on installe dans son esprit et que l’on va laisser mûrir jusqu’à l’apparition de l’évidence. Le raisonnement logique est banni ou très marginal ; il conduit à des lieux communs ou des impasses (goshinbudokai.fr). Ainsi, des exemples : «Jour après jour, c’est un bon jour », « non anxieux ici, non anxieux toute la vie »,  «« Qu’est-ce que le Bouddha ? » demande le moine à son maître zen. « Une spatule à merde ! » répond le maître (goshinbudokai.fr).

Dans la continuité des haïku et autre Koân, il est aussi possible de recourir aux contes zen.  Il en existe de magnifiques comme ceux d’Henri Brunel (2002, cité par Losier, 2008). Dans la mesure ou la métaphore et la personnification sont des figures de style très fréquentes dans ces contes, il s’agit alors de reconsidérer sa situation sous un jour nouveau.

L’utilisation de différentes formes de  tarots représente une autre manière, complémentaire, de reconsidérer les différents aspects de sa situation pour en trouver de nouvelles issues possibles. Ainsi, les tarots psychologique, animalier ou tarot zen d’Osho représentent d’intéressants supports de médiation analytique (Losier, 2008), sur des concepts tels que le changement, l’introspection, la confiance, le lâcher-prise, l’éveil, la douleur, l’attachement au passé, etc. Il ne s’agit pas de divination, mais bien de CONNAISSANCE DE SOI (Losier, 2008). Arrêtons-nous un instant sur le tarot zen d’Osho :  celui-ci consiste en une série de 78 cartes basées sur les états, les pensées et les idées du gourou indien Osho. Il est employé pour comprendre le passé ou pour prévoir le futur grâce au jeu transcendantal zen (oracles.ch).

Les mandalas (que l’on retrouve dans le bouddhisme tibétain), représentent une autre forme de pratique zen ou de méditation. Ils consistent en des coloriages qui peuvent être regroupés par thème (on les trouve d’ailleurs aujourd’hui aisément en librairie). Des paroles peuvent servir de méditation guidée durant leur coloriage.  En orientation professionnelle, ils peuvent offrir un support d’échange intéressant entre le client et son conseiller (Losier, 2008).

Le principe du bilan de compétences

À un moment ou à un autre de son parcours professionnel, le bilan de compétences peut être une étape intéressante pour faire le point, en compagnie d’un professionnel de l’orientation de carrière, sur ses expériences en emploi afin de clarifier ses compétences, ses habiletés, mais aussi et peut-être surtout, pour faire ressortir les « logiques évolutives » (Bernaud, 2013) qui sous-tendent ses choix professionnels et les orientations qui ont été données jusque-là à son parcours.

En outre et tandis que les contextes de vie ont tendance à se multiplier, faisant en sorte que la carrière professionnelle s’appréhende de manière plus holistique qu’auparavant, le bilan de compétence contribue alors à mieux comprendre les différents aspects d’une vie (travail, loisirs, famille) dans des relations d’interdépendances (Bernaud, 2013; Boutinet et Helson, 2010).

Ainsi que Renaï le souligne (2009) « Le bilan est un outil voire une démarche de mise en valeur de sa propre expérience à des fins de mobilité interne et/ou externe. Elle facilite la construction d’un projet professionnel mieux à même de faire face au déficit de qualifications dans un environnement économique et social en perpétuelle mutation ».

Il existe toutes sortes de bilans de compétences et il est assez délicat de s’y trouver alors que l’exercice du bilan représente en soi une démarche d’analyse, de synthèse, d’engagement qu’il n’est pas toujours facile à intégrer dans son agenda. Par ailleurs, le travail d’introspection et de réflexion que cela requiert peut parfois aussi être aversif pour certains…

En bref, on pourrait dire, en résumé, du bilan de compétence qu’il consiste avant tout à permettre de :

  • Développer la connaissance de soi
  • Valoriser ses apprentissages
  • Renforcer la confiance en soi et en ses capacités
  • Identifier et clarifier ses intérêts, ses forces (compétences, habiletés, aptitudes) et ses limites.

À bien y réfléchir et bien qu’une telle démarche soit exigeante, cela peut en valoir la peine à l’heure d’une éventuelle réorientation de carrière ou d’un projet de développement professionnel.

En fait, au travers d’un bilan de compétences, ce qui est ciblé est avant tout de développer ce qu’on appelle le sentiment d’efficacité personnel (SEP) de l’individu et qui consiste en « la croyance de celui-ci en sa capacité d’organiser et d’exécuter la ligne de conduite requise pour produire des résultats souhaités » (Bandura, 2013). Autrement dit, ce SEP concerne sa propre confiance en ses capacités à accomplir avec succès une tâche (et par conséquent à réussir dans un emploi), ainsi que la confiance en sa capacité d’influer sur ses actions pour atteindre un résultat désiré (Pelletier, 2008) (par exemple obtenir un emploi après que celui-ci ait été clairement identifié).

Il ne faut pas confondre le SEP avec l’estime de soi.  Ainsi, « L’efficacité personnelle perçue concerne les évaluations par l’individu de ses aptitudes personnelles, tandis que l’estime de soi concerne les évaluations de sa valeur personnelle » (Bandura, 2007, p.24).

 On pourrait dire du bilan de compétences qu’il revêt cinq grands principes :

  1. L’expérience est formatrice et source de développement de compétences
  2. La gestion de carrière relève en premier lieu de la responsabilité individuelle
  3. Le bilan concerne l’identité professionnelle
  4. Le bilan permet de mieux négocier ses compétences
  5. Le bilan est une démarche accompagnée

Selon Bell et Hopkins (1998, cités par Poulin, 2013), le bilan de compétences permet à la personne d’avoir :

  • la capacité de se voir dans l’avenir de façon positive;
  • l’habileté de percevoir des solutions de rechange sur le marché du travail;
  • la connaissance de ses propres compétences;
  • un plan de départ et un sentiment de confiance dans ses succès pour ainsi développer sa capacité de réussir.

Il y a essentiellement deux stratégies pour établir un tel bilan (Poulin, 2013) :

1- Partir de ce que je suis (exploration) et identifier les possibilités de carrière (ce que je vise).

2- Partir de l’objectif (ce que je vise) et identifier comment y parvenir ? En partant de ses acquis, il s’agit alors d’identifier ce qu’il manque pour atteindre son objectif et à partir de cette cible, définir un plan de développement professionnel.

Intégrer la méditation de la pleine conscience dans sa pratique d’orientation

Dans la continuité de mon précédent billet, j’aimerais m’arrêter ici sur la manière dont les conseillers d’orientation (mais pas uniquement) peuvent intégrer la méditation de la pleine conscience dans l’accompagnement qu’ils font auprès de leurs clients. Mais tout d’abord, en quoi cette pratique serait-elle bénéfique et  auprès de qui ?

Avant tout, rappelons brièvement ce qu’est la méditation puis ce qu’est plus précisément la pleine conscience et en quoi elle consiste.

Bien qu’il n’y ait pas vraiment de consensus à propos de ce qui définit exactement la méditation (Berghmans, Strub et Tarquinio, 2008), 5 caractéristiques distinctes ressortent tout de même : la technique utilisée doit être précisément définie, les muscles doivent être entièrement relâchés,  il doit y avoir une complète relaxation mentale amenant à un état d’esprit bien précis et utilisant la focalisation et l’attention (Cardoso, De souza, Camano, 2004).

En fait, la méditation cible l’autorégulation (notamment sur le plan des émotions), tandis que les notions de relaxation, de concentration, d’états altérés de la conscience, de suspension de la réflexion et de maintien d’une attitude d’auto-observation semblent en constituer les principaux ingrédients (Berghmans, Strub et Tarquino, 2008).

La méditation est une pratique très simple puisqu’il s’agit surtout, et avant tout, de décider de prendre une pause, en soi, simplement, en focalisant son attention sur un objet donné et dans le but de s’extraire pour un instant du bouillonnement incessant de nos vies souvent actives et bien remplies. Une respiration…dirigée…dans le fond.

Tandis qu’à l’origine, la pleine conscience est un concept enraciné au cœur même de la tradition spirituelle bouddhiste où la notion de moment présent et de conscience est essentielle pour se libérer des souffrances personnelles (Thera, Silananda, 1990, cités dans Bishop et al., 2010), Bishop et al. (2004), proposent de comprendre celle-ci dans une perspective visant à réduire notre vulnérabilité au stress et aux émotions douloureuses. En fait, au travers de la pleine conscience, il s’agit de développer et renforcer des aptitudes mentales visant à mieux répondre à la douleur émotionnelle accompagnée de comportements inadaptés.

« On ne peut pas empêcher les oiseaux de voler au dessus de notre tête, mais on peut les empêcher de faire un nid dans nos cheveux » (proverbe chinois).

Bishop et al., (2004), proposent une définition opérationnelle de la pleine conscience articulée autour de deux composantes, qui sont le principe d’auto régulation de la capacité d’attention et celui de l’orientation vers une expérience du moment présent. La première composante concerne la faculté d`être durablement et intensément plongé dans l’ici et le maintenant, de manière à ressentir ce qui se passe en soi, tant sur le plan des émotions vécues que des pensées qui traversent l’esprit. La seconde composante de la pleine conscience, autrement dit l’orientation vers une expérience du moment présent, est intimement liée à la pratique de la méditation qui favorise une prise de conscience distanciée des sentiments et sensations qui entrent dans le champ de conscience, et cela dans une attitude d’acceptation.

Une manière d’entrer dans un état de pleine conscience est donc de pratiquer la méditation.

Méditer, d’accord, mais… pour quoi faire ?

Peut-être est-ce, au départ, parce que notre vie ne répond pas à nos attentes, et en particulier notre travail et que par conséquent celui-ci nous amène à vivre du stress, de l’inquiétude, de la déception, de la colère, de l’anxiété et parfois même une certaine détresse.  Bref, toutes sortes d’émotions fort désagréables qui cheminent dans notre tête et sans que nous puissions vraiment nous en détacher. La méditation nous enseigne alors à « appréhender les circonstances difficiles et les émotions et les tensions qu’elles engendrent avec équilibre, sérénité et compassion » (Bodian, 2005, p.28).

Dans le domaine de la carrière et du travail, il apparaît qu’un des poisons les plus toxiques (et pourtant les plus répandus) est constitué par le mythe de la comparaison : vis-à-vis de ce qu’on souhaiterait être ou avoir et vis-à-vis des autres !

À cela est rattaché ce que ce Christophe André nomme « la maladie matérialiste » (2006), qui consiste non plus à répondre à nos besoins, mais à en créer sans cesse de nouveaux.  Christophe André (2006) précise une chose intéressante : ce matérialisme altère non seulement nos relations interpersonnelles en favorisant une estime de soi fragilisée, instable, autocentrée et dépendante des objectifs (quand j’aurai un bon emploi je serai alors heureux), mais aussi notre propre identité en entravant notre capacité attentionnelle, de réflexion, de distanciation et d’introspection !

Dans le fond, nous ne sommes pas seulement agrippés aux choses par nos mains, mais aussi par notre esprit (Kabat-Zin, 2004).

Face à des enjeux de carrière et des choix d’orientation professionnelle, il semble bien que plus les choix se multiplient, plus il nous soit difficile de nous décider (pensons, ne serait-ce qu’à la multiplicité des choix de cours par exemple), et ainsi plus le risque de regret augmente si le choix effectué nous apparaît être finalement insatisfaisant. Barry Schwartz (2004) qualifie d’ailleurs ce phénomène  de « paradoxe du choix » ou notre liberté de choix et d’action n’est qu’apparente, car elle s’accompagne d’état d’âmes qui sont souvent fort négatifs pour notre propre bien-être. Autrement dit, quand on commence à regretter ce qu’on n’a plus ou qu’on n’a pas encore sans considérer ce qui est déjà, peut-être y a-t-il là le signe d’un besoin de reprendre son souffle….de méditer ?

Tandis que tous les types de méditation semblent être établis sur l’observation des activités de notre esprit (nos pensées, nos émotions, nos sensations) et l’acceptation de ces contenus (Berghmans, Strub et Tarquino, 2008),  la méditation de la pleine conscience peut se définir comme une pratique qui consiste à devenir plus conscient de chaque instant et de notre expérience à cet instant (Braza, 2007). Puisque de façon générale, l’individu est normalement inattentif, peu présent dans ce qu’il fait et à l’instant où il le fait,  Berghmans, Strub et Tarquino, (2008), résument la méditation de la pleine conscience de la manière  suivante :

  • un état dans lequel le sujet est hautement conscient du moment présent, le reconnaissant et l’acceptant ;
  • un état dans lequel l’esprit du sujet ne se laisse pas emporter ou parasiter par des pensées, sensations ou émotions relatives à des expériences présentes, passées ou futures susceptibles de survenir ;
  • un état dans lequel le sujet fait attention (observation) à l’expérience présente de manière vigilante ou encore au flux d’apparition de ses pensées, émotion et sensations au fur et à mesure de leur apparition dans une optique de non-jugement et de non-évaluation ;
  • l’attention et l’habileté à se dégager de schémas de pensées potentiellement toxiques et qui rendent l’individu vulnérable à des états de stress et à d’autres états pathologiques.

Dans le fond, méditer en pleine conscience consiste à être le plus présent possible dans l’ici et le maintenant à l’expérience que nous sommes en train de vivre , sans filtre (en acceptant ce qui vient comme cela vient et sans pour autant que cela soit apparenté à de la résignation), sans jugement et sans attente…c’est donc être juste là (André, 2006). Simple et très compliqué à la fois.

Les exercices de méditation de la pleine conscience ont donc pour visée simplement de nous amener à maintenir notre esprit dans l’ici et maintenant alors, qu’à l’inverse, notre esprit nous emmène sans cesse à voyager dans le temps et parfois perdus entre des ruminations du passé et des anticipations excessives du futur (Harris, 2012).

En contexte d’orientation,  face à des personnes qui expriment une grande inquiétude à l’égard de leur incertitude de carrière et qui semblent être aux prises avec des croyances, des pensés, des émotions qui tendent à rigidifier leur manière d’envisager les choses, exprimant elles-mêmes sauter sans cesse d’une idée à l’autre par exemple et ne plus parvenir à « calmer le hamster qui court en elles » ,  il peut être  intéressant de les amener progressivement à ralentir le rythme de leurs pensées (pour y voir finalement plus clair) en cultivant la pleine conscience par des exercices d’observation et d’acceptation.

Ainsi et après avoir pris le temps d’expliquer en quoi consiste la méditation de la pleine conscience (la dimension psychoéducative de la démarche est très importante)  un court exercice (en début de séance) de ralentissement visant à couper le mode de pilotage automatique de la personne en l’invitant à se centrer sur sa respiration peut être un bon exemple. Il en existe de toutes sortes (DVD, etc.), dont plusieurs exemples très pertinents sont consultables et téléchargeables ici

En général, ces exercices consistent à calmer le flot de son esprit en apprenant à concentrer son attention sur un objet (en général son souffle, son corps, les bruits environnants). Il s’agit en fait de devenir plus attentif au fonctionnement de son esprit.

Complémentairement, plusieurs types d’échanges peuvent avoir lieu et au premier desquels l’objectif étant d’amener progressivement la personne à prendre progressivement de la distance vis-à-vis de ses pensées, de ses émotions, de ses sensations pour les considérer pour ce qu’elles sont  (c’est-à-dire des productions de notre esprit) et non pour ce qu’elles prétendent être, à savoir la réalité.

Ainsi, la métaphore de l’ours ou l’histoire d’ours est intéressante (Vandenbosch, 2012, dans Seznec, 2015 ) : en tant qu’être humain, on peut se mettre en colère, ressentir de la peur face à quelque chose de notre environnement que nous constatons avec nos cinq sens. Une voiture nous fonce dessus…En tant qu’être pensant, cette émotion peut tout autant surgir à la seule pensée d’un danger potentiel (par exemple je ne serais pas en mesure de retrouver un emploi satisfaisant) : le système émotionnel se met alors en branle face  à la possibilité future d’occurrence de l’évènement : je suis stressé à l’idée de ne pas parvenir à trouver une nouvelle orientation professionnelle satisfaisante, etc. L’anxiété et le stress peuvent alors survenir et s’installer, car si on peut on peut échapper à un danger réel, on ne peut vivre en dehors de son cerveau et fuir ses pensées et ses émotions. L’anxiété est une émotion vague qui traduit de l’appréhension, de la détresse, une crainte avec ou sans objet. Elle peut être produite par diverses situations : une surabondance d’informations qu’on ne parvient pas à traiter (pensons à l’ISEP face à une personne qui cherche un programme d’études ou tente de faire un choix de carrière), la difficulté d’admettre certaines choses (par exemple la perte de son emploi),  des évènements imprévisibles et incontrôlables dans notre vie, le sentiment de ne pas pouvoir faire face à sa situation d’incertitude de carrière ou de chômage, etc.

Au quotidien, posez-vous la question si votre réaction émotionnelle est consécutive à un fait vécu ou en relation avec une pensée ?

Réagissez-vous parce que vous êtes face à un ours ou parce que vous avez peur d’en croiser un ?

Soyez attentif aux émotions que vous ressentez et observez si celles-ci sont consécutives à ce qui vient de votre environnement où sont-elles été engendrées par un état interne et/ou une pensée ?

Par ailleurs et dans la continuité, les questions suivantes peuvent aussi amener à prendre conscience en quoi le fait d’être empêtré dans son esprit éloigne de ce qui compte pour soi, au risque de passer à côté de sa vie (Harris, 2012) :

À quoi cela vous mène de passer tant de temps à vous inquiéter du futur ou à regretter le passé ?

C’est vraiment  là-dedans que vous souhaitez passer du temps ? Sinon, que pourriez-vous alors faire d’autre ?

De même et à n’importe quel moment de la rencontre, demander à la personne ou était son esprit à l’instant ? Que faisait-il ? Que lui disait-il ? Et cela avait quel impact sur elle ? Est-ce que ce que son esprit lui disait à l’instant lui était utile (par rapport au motif de consultation) ou pas ? etc.

En rencontre et si la personne démontre beaucoup de stress émotionnel, il peut être aussi possible de l’inviter à demeurer en contact avec celui-ci dans le moment présent (Harris, 2012). Par exemple, il serait alors possible de lui demander de nommer et d’explorer ce qu’elle ressent dans l’instant et/ou elle le ressent dans son corps.  De même, lui demander si elle pourrait demeurer en contact avec ce qu’elle ressent tout en restant présente en rencontre.

Entre les rencontres, vous pouvez inviter votre client à pratiquer 10 à 15 minutes par jour de méditation de la plein conscience en téléchargeant les exercices dont voici à nouveau le lien, mais aussi pratiquer 5 à 10 respirations pleinement conscientes durant chaque journée, pratiquer aussi l’observation attentive et non-jugeante de son esprit à chaque fois que celui-ci l’emmène dans des tourments hostiles (Harris, 2012).

Introduire la pleine conscience consiste alors à faire prendre conscience que bien qu’il nous soit impossible d’empêcher notre esprit de laisser émerger des pensés et émotions douloureuses (elles sont même inévitables),  nous pouvons par contre apprendre à les laisser aller et venir sans nous y accrocher en cultivant pour cela l’observation (de notre esprit) par l’entremise de la méditation.

 

 

 

Sortir de l’indécision en apprenant d’abord à se dissocier des maux de son esprit

Dans la continuité de l’article précédent que j’avais rédigé au sujet de la sagesse du bouddhisme pour clarifier son orientation de carrière, j’aimerais ici revenir sur les notions « d’attention et de concentration juste » que j’avais évoquées à propos du noble sentier octuple et qui renvoient toutes deux à la question de la pratique méditative. En particulier de la méditation de la pleine conscience.

Essentiellement, il existe fondamentalement deux types de méditations : celle qui cible « le calme mental » (Ricard, 2008) et celle qui vise à développer « une vision pénétrante des choses et de soi » (Ricard, 2008, p.14).  Vous l’aurez deviné, les deux se complètement tandis qu’il faut préalablement apaiser son esprit (et c’est l’aspect auquel je vais m’intéresser) pour ensuite apprendre à renforcer le pouvoir de concentration auquel invite le second volet de la médiation.

En lieu et place d’une tentative de « justification » de la pratique de la médiation de la pleine conscience, je paraphraserai les mots limpides de Matthieu Ricard et qu’on retrouve dans son ouvrage, l’art de la méditation (2008). Ainsi, et  tandis que nous déployons beaucoup d’effort pour « améliorer les conditions extérieures de notre existence » (Ricard, 2008, p.18), et puisque toute notre expérience du monde passe par notre esprit qui traduit celle-ci sous forme de bien-être ou de souffrance, il n’est alors pas insensé d’envisager d’apprendre à transformer la manière avec laquelle nous percevons les choses. L’avantage semble évident : nous sommes alors susceptibles d’améliorer notre qualité de vie.

En somme, cet apprentissage par entraînement de l’esprit n’est rien de plus ni de moins que la méditation.

Quand il est question de recherche d’amélioration des conditions (extérieures, mais pas uniquement) de notre existence, on peut, bien évidemment, y déceler des enjeux clairement carriérologiques qu’il est possible alors d’aborder sous l’angle de la théorie du capital humain. Rappelons, à son sujet, qu’elle valorise l’investissement par les individus eux-mêmes dans leur capacité d’amélioration des possibilités d’emploi (Tremblay, 2011), en renvoyant à l’éducation, à la formation professionnelle, à l’information recherchée sur le marché du travail et à la mobilité professionnelle (Tremblay, 2011).

Ce désir de valorisation est d’ailleurs susceptible de s’incarner de manière particulièrement accentuée chez certains gestionnaires qui, dans un contexte généralisé de défiance qu’ils nourrissent à l’égard des organisations (Enriquez, 2005), et consécutivement au recentrement qu’ils opèrent alors sur eux-mêmes (Hall, 1996), et à partir d’indications sommaires de leur situation (Cadin, 1999), n’hésitent alors pas à offrir leurs services aux plus offrants. Quiconque en orientation est  amené à accompagner des gestionnaires peut faire le constat de ce désir d’amélioration, de valorisation, d’optimisation de leur employabilité par la recherche d’une  recette, d’un outil, voire d’une « clé » qui leur ouvrirait, à nouveau, les portes du succès.

Avant de revenir à la méditation, tentons de clarifier juste un peu ce qu’est l’indécision. De manière générale, elle traduit un manque de clarté par rapport à une direction à donner (Cnrtl, 2016), révélant un certain embarras, une confusion, une hésitation, une incertitude, bref une irrésolution à se décider dans le fond !

Face à individu confronté à une grande difficulté à prendre une décision (par exemple vis-à-vis d’un choix de métier ou par rapport à une démission suite à une insatisfaction en emploi et pour opérer alors une réorientation de carrière, etc.), il apparaît souvent pour l’accompagnateur que la capacité d’attention de son client est grandement affectée, au sens ou cette attention réfère alors à une «tension de l’esprit vers un objet à l’exclusion de tout autre » (Cnrtl, 2016). En d’autres termes, l’attention englobe ici notamment la réflexion, l’analyse, la sensibilité, la concentration et surtout l’introspection.

Bien entendu, les conseillers d’orientation ne sont pas démunis en termes « d’outils » pour tenter d’aider une telle personne à « remettre de l’ordre dans ses idées » avec, par exemple, les modèles de prises de décision qui amènent à considérer que lorsqu’une décision semble impossible à prendre, il faut peut-être alors tenter d’exercer un meilleur contrôle de ses pensées  pour en modifier le contenu et ainsi accroître sa capacité à prendre des décisions et à les exécuter (Peterson, 2000). Force est de constater que cette vision, fondée sur le contrôle, peut être discutée.

Plus largement, d’autres stratégies peuvent aussi proposer de décortiquer la situation en plusieurs sous-problèmes et analyser ensuite les avantages et inconvénients qu’il peut y avoir pour chacun, etc.. De même encore, d’autres approches plus contructionnistes cette fois (Savickas, Nota et al., 2010), ciblent alors davantage le sens que les individus souhaitent donner à leur vie et par extension à leur travail. Face à une telle situation d’indécision, il peut être alors question pour le conseiller d’orientation par exemple d’aider son client à mieux comprendre les logiques évolutives (Bernaud, 2013), qui sous-tendent ses choix de carrière passés en l’aidant, via des récits et autres lignes de vie par exemple, à mieux comprendre les différentes formes que peuvent prendre sa propre identité et selon ses contextes et ses environnements de vie.

Bien que forts intéressants, force est de constater que pour que de telles stratégies ou modèles puissent s’avérer être « efficaces », il est avant tout nécessaire que la personne soi en mesure d’engager des ressources cognitives telles que  la concentration, le sens de l’analyse et de la réflexion notamment.

Pourtant : comment de telles dispositions pourraient-elles être présentes alors même que cette personne, face à des difficultés de prise de décision, est certainement empreinte à de l’inquiétude, du tourment, pour ne pas dire de l’angoisse, de l’impuissance, voire de la détresse parfois ? À ce titre, rappelons que plus de la moitié des individus qui consultent aujourd’hui en orientation souffrent de détresse psychologique en relation avec des difficultés de prise de décision (Multon, 2001 ; 2007).

Il y aurait donc peut-être lieu de voir les choses autrement.

Galilée, grand astronome italien du 16e siècle et qui avait conçu une lunette astronomique si puissante (permettant d’observer des planètes encore inconnues) qu’elle ouvrit la voie à l’astronomie moderne, n’aurait certainement pas tant marqué l’histoire des hommes si son invention avait été défectueuse (Ricard, 2008).

De la même manière, si nous souhaitons pouvoir observer les mécanismes les plus subtils du fonctionnement de notre esprit et ensuite agir sur eux afin d’être en mesure, par exemple, de prendre des décisions sensées et congruentes vis-à-vis de sa carrière, il semble qu’il soit nécessaire d’être en mesure d’affiner notre capacité d’attention et de notre pouvoir d’introspection (Ricard, 2015). Nous revoilà donc face à la méditation.

Tandis que la méditation de la pleine conscience réfère à un état d’ouverture découlant d’une attention qui est focalisée  sur ce qu’il se passe en soi et à l’extérieur de soi, dans le moment présent et de manière qui soit non jugeante (Kabat-Zinn, 2003), elle vise à nous permettre de mieux « observer le fonctionnement de notre esprit, la manière dont il perçoit le monde, et comprendre l’enchaînement des pensées » (Ricard, 2008, p.26).

Puisque notre esprit peut faire « de notre paradis un enfer et de notre enfer un paradis » (Milton), la méditation de la pleine conscience nous enseigne avant tout à calmer le flot de notre esprit pour reconquérir notre capacité d’attention et d’introspection afin de devenir plus sensible à ce qui est important pour nous (par exemple en termes de besoins, de valeurs) de ce qui l’est moins.

Il semble donc qu’en contexte d’orientation et en situation d’anxiété par rapport à de l’indécision, la méditation de la pleine conscience ait définitivement quelque chose d’intéressant à nous apporter.

Il serait trop long d’entrer ici dans le détail des mécanismes de fonctionnement de la méditation de la pleine conscience ainsi que la manière de les opérationnaliser en contexte d’orientation. Tout de même et alors qu’il existe une multitude d’exercices liés à l’enseignement de la méditation de la pleine conscience,  il semble qu’il soit tout à fait possible de l’intégrer d’ores et déjà sous forme d’exercice préliminaire à une rencontre de counseling en orientation. À cet effet, « les exercices de pleine conscience commencent souvent en dirigeant l’attention du client sur le mouvement de sa respiration tout en l’amenant à observer et à décrire les différentes composantes psychologiques qui le traversent dans le moment. Un autre exercice, intitulé « les feuilles sur la rivière », permet au client de visualiser qu’il dépose chaque pensée naissante sur des feuilles flottant sur une rivière et qu’il les observe en train de défiler en suivant le cours de l’eau » (Dionne et Neveu, 2009).

Afin que l’indécision puisse se transformer en quelque chose de plus positif pour l’individu, comme par exemple la tentative de s’adapter et de faire preuve d’ouverture et de souplesse face au changement (Gelatt, 1989 ; Krumboltz, 1992), la méditation de la pleine conscience pourrait représenter une pratique intéressante pour s’y préparer.

La question de son opérationnalisation en séance d’orientation fera l’objet d’un prochain billet. Ceci dit et pour ceux que cela intéresse, je vous invite à lire cet article (Grégoire, Baron et Baron, 2012), qui traite de la pleine conscience en counseling.

 

Une introduction à la sagesse du bouddhisme pour clarifier son orientation de carrière

S’il fallait résumer en une phrase ce qui est visé à travers la pratique du bouddhisme, on pourrait alors citer ceci : «Vouloir ce que l’on a et ne pas vouloir ce que l’on n’a pas» (Boudha).

Ce qui se cache derrière cela ? Une certaine idée qu’on peut se faire d’un contentement heureux et bienveillant à l’égard de soi-même et des autres.

De tradition  millénaire, le bouddhisme  devient, depuis quelques années déjà, très populaire dans bien des domaines.  Concept « à la mode », il fait l’objet d’une couverture médiatique foisonnante.  En France, des personnalités telles que Frédéric Lenoir, Christophe André, Fabrice Midal et surtout Matthieu Ricard contribuent à l’émancipation de cette spiritualité d’une incroyable modernité.

Dans le domaine de la psychologie du travail, plusieurs tentatives sont faites pour adapter aux réalités d’un monde du travail instable et incertain plusieurs notions  centrales dans le bouddhisme.   Des programmes d’interventions inspirés du bouddhisme ont démontré une certaine efficacité auprès de toute sorte d’individus en milieu de travail (Bond et Bunce, 2003 ; Flaxman  et  Bond, 2010).

En clair, et bien qu’il ne soit pas question ici d’entrer dans le détail de tels programmes,  il apparaît que ceux-ci (Shapiro et al., 2010),  peuvent être utiles pour contribuer à réduire le stress, l’anxiété et l’épuisement professionnel (Brinkborg et al., 2011).

Avant d’aller plus loin, revenons à l’essentiel : qu’est-ce que le bouddhisme ? Difficile de circonscrire cette spiritualité en quelques mots. Pourtant.

Né il y a quelque 2500 ans dans le Népal actuel et à la différence des grandes religions monothéistes qui promettent un bonheur dans l’ailleurs post-mortem, le bouddhisme propose de nous aider à prendre des dispositions concrètes pour connaître le bonheur dans notre vie présente.  Pour cela, il nous invite à comprendre notre vraie nature afin de la révéler à nous-mêmes puis aux autres (Landaw et Bodian 2007 ; Losier, 2008).

À l’heure d’une orientation de carrière ou d’un choix d’études, la connaissance de soi qui découle d’une meilleure compréhension de soi représente là un thème tout à fait central.

Pour parvenir à cette compréhension et cette « révélation », le bouddhisme enseigne avant tout une manière de chercher à mieux comprendre comment fonctionne notre esprit car c’est lui qui détermine et crée tout notre vécu ! (Landaw et Bodian, 2007).

Autrement dit et sur le plan philosophique cela nous ramène à la fois au fameux « connais-toi toi-même » de Platon et repris par Socrate, mais aussi à la question de la sincérité vis-à-vis de la connaissance de soi : est-elle tout simplement envisageable ?

Tandis que pour les socratiques la connaissance de soi renvoie « à la conscience que l’on a de son propre savoir aussi bien que de son ignorance » (Tsouna, 2001, p.38), elle évoque d’emblée une démarche spirituelle (Laurentiu, 2014), puisqu’il s’agit alors d’instaurer un rapport de soi à soi constituant le fondement même d’une démarche introspective et spirituelle (Hardot, 1989).

En psychologie, cette connaissance de soi est indissociable de l’identité, et qui  désigne un ensemble de représentations mentales que l’on entretient sur nous-mêmes ainsi que le phénomène de conscience qui lui est alors associé  ( Duval, Desgranges, Eustache, Piolino, 2009).

Young (1971), évoque dans son approche du cycle de la vie humaine, une montée progressive durant la vie de la conscience de soi et qui aboutit à ce qu’il nomme  « l’individuation ». Houde (1999), résume celle-ci en tant « qu’unité autonome et intégrée » (p.27), c’est-à-dire une individualité qui permet peu à peu une plus grande expression de soi, une personnalité pleine et entière. Pour Young, l’individuation représente une « quête psychospirituelle » (cité par Houde, 1999, p.26), tout comme pour les stoïciens, la connaissance de soi s’apparente à un exercice de nature spirituelle.

De manière assez proche finalement, la psychologie de l’orientation consiste à faire en sorte que l’individu puisse découvrir celui qu’il est et celui qu’il souhaite devenir, en l’aidant à définir des domaines, des activités de travail dans lesquelles il pourrait développer « les formes identitaires les plus importantes pour lui »(Guichard et Huteau, 2006, p.82). Autrement dit, l’orientation et par conséquent le conseiller d’orientation, privilégie alors la connaissance de soi pour aider la personne à devenir plus à même de cibler ensuite des domaines d’emploi susceptibles de convenir à sa personnalité.

Comprendre sa vraie nature contribue donc à développer la connaissance de soi et qui elle-même favorise des choix de carrière ou d’emploi possiblement plus éclairés….

Revenons à présent au bouddhisme. On l’a vu, dans cette tradition, la connaissance soi consiste alors à mieux comprendre comment fonctionne notre esprit, notre mental, car c’est lui qui détermine et conditionne toute notre expérience du monde.

De même, la sagesse du bouddhisme nous enseigne que cette connaissance de soi ne peut être que partielle et limitée, car il est impossible d’avoir une connaissance forte et précise de son identité, notamment parce que nous sommes, par essence, éphémères et fragiles. Il s’agit en fait de se libérer progressivement de son ego en prenant conscience que la personnalité est une représentation de soi. Il faut l’accepter dans ses limites et ses faiblesses (Losier, 2008).

4 principes fondamentaux permettent de saisir l’essence même du bouddhisme (Landaw et Bodian 2007). Bien qu’ils puissent paraître être d’une grande simplicité, ils demeurent d’autant plus pertinents que dans notre société moderne, on cherche davantage à lutter contre notre inconfort qu’à réellement nous connaître (Hirigoyen, 2007, cité par Losier, 2008).

Dans ce contexte, une solution consisterait donc à nous déraciner de l’attachement causé par le désir. En effet, le problème ne réside pas dans la préférence, les intérêts et les souhaits que l’on exprime, par exemple à l’égard d’un choix d’études ou vis-à-vis d’une profession, mais dans le rapport très fort que l’on entretient avec ses souhaits et désirs.  Et si on n’obtient pas ce que l’on désire, que se passe-t-il ? La déception laisse-t-elle alors la place à de la frustration et de la colère ?

En orientation, il arrive que l’on s’attache depuis très longtemps à des conceptions  possiblement irréalistes de soi et vis-à-vis d’un métier désiré.  Mais alors, dans quelle mesure nos croyances à l’égard d’une profession n’entretiennent-elles pas notre ego au détriment de notre moi profond ? Voilà une question fondamentale à laquelle la sagesse du bouddhisme nous invite à réfléchir.

Autrement dit, il arrive que nous entretenions des croyances si fortes que nous nous identifions à elles au point de considérer que de ces dernières dépendrait notre propre survie, ou en tout cas notre bonheur. Autrement dit, ce que nous possédons et faisons seraient les déterminants ultimes de qui nous sommes. Pourtant, ne sommes-nous pas aussi autre chose ?…bien plus que cela même ? On pourrait rapprocher cette idée de motivations qualifiées « d’extrinsèques » quant aux choix que nous faisons à l’égard, par exemple, d’une programme d’études ou vis-à-vis d’une profession.

Dans cette perspective, il est possible de que ce soit alors nos propres conceptions de l’esprit qui entretiennent notre vision des choses et de notre situation et qui nous emprisonnent alors. Ainsi : la vision que nous entretenons à l’égard de notre situation de carrière rigidifie notre propre capacité à changer. Voila, là encore, une sagesse fort utile pour mettre à distance nos croyances et nos représentations dans une perspective critique et constructive.

Le 4e principe fondamental du bouddhisme énuméré plus haut conduit à ce qui est appelé le noble sentier octuple et qui a pour objectif de nous aider à trouver les moyens de vivre une vie plus authentique (Dang Truc, 2013).

Ce sentier fait référence au cheminement intérieur qui consiste à trouver en soi le sens qu’on souhaite donner à sa vie et, par extension, à son travail en adoptant une manière  d’avancer et de se questionner qui soit authentique, humble, introspective et tournée vers les autres.

Le noble sentier octuple comporte 8 caractéristiques et qui symbolisent la totalité de l’existence humaine en tant que telle (Dang Truc, 2013).  Les voici :

La compréhension juste :  il s’agit de prendre peu à peu conscience du fait que notre état quasi permanent d’insatisfaction (à l’égard de notre emploi, de nos relations, de notre vie) est consécutif de désirs non assouvis et que l’on croit être fondamentaux ou en tout cas desquels contribuerait notre propre bonheur (par exemple, quand je serai médecin je serai heureux).  Par ailleurs, le bouddhisme enseigne l’impermanence en toutes choses. Autrement dit, c’est le changement qui représente la vraie nature des choses (Losier, 2008). Par conséquent, nos choix de carrière ne peuvent être réellement durables, cela dans un contexte socio-économique actuel ou c’est la définition de la carrière qui semble changer (Bujold et Gingras, 2000), de plus en plus considérée comme instable, inattendue, et insécurisante (Bujold et Gingras, 2000), tandis que les retours aux études (Guichard, 2003) et les transitions entre les emplois se multiplient (Michaud, 2006).

La pensée juste : elle représente le contraire de l’égoïsme et la centration sur soi uniquement. Le bouddhisme postule que notre propre bonheur passe immanquablement par celui des autres. En fait, en étant tourné vers les autres c’est à son propre équilibre que l’on travaille.  Serres (2014), résume cette pensée juste de la manière suivante :

  • ce qui est équitable
  • ce qui relève d’une compréhension juste
  • ce qui est éloigné des extrêmes
  • ce qui est vraiment sincère et se détourne du mensonge et ce qui est utile à soi et aux autres.

Au moment d’un choix de métier, il peut alors être intéressant de voir dans quelle mesure il serait possible d’intégrer alors des éléments qui nous permettent de développer cette pensée juste. Par exemple, faire le choix d’une carrière qui soit davantage tournée vers les autres peut représenter une telle concrétisation.

La parole juste : dans la continuité d’une orientation davantage centrée vers les autres, la parole juste réfère à l’authenticité, à la mesure et au fait de tenir compte de l’impact de nos mots sur les autres. Cette parole juste réfère à l’abstention du mensonge,  de la calomnie et des paroles dures à l’encontre des autres. On retrouve ici cette idée de bienveillance si chère au Bouddhisme.

Face à des choix de carrière, la parole juste nous invite alors à pousser plus avant l’exploration de ce qui compte à nos yeux tout autant que la manière avec laquelle nous en parlons.  Développer une parole juste consiste en une forme d’apprentissage.

La communication non violente (Rosenberg, 1999),  présente de nombreux points communs avec cette notion de parole juste.  En effet, Marshall Rosenberg illustre deux modes de communication diamétralement opposés. Tandis que le premier est basé sur la domination en ayant recours à des formes de violences verbales (menace), il cherche avant tout à convaincre, en manipulant l’autre par de la culpabilité. Dans des milieux de travail toxiques, il est fréquent d’observer un tel type de langage, de parole, détourné à des fins de contrôle et de pouvoir. Le second type de langage, à l’inverse, libère une parole authentique et qui permet à l’autre de répondre librement.

L’action juste : « de la même manière que la parole juste signifie éviter de causer du tort aux autres par ce qui est dit, l’action juste signifie éviter de causer du tort par ce que vous faites » (Landaw et Bodian 2007, p.69).  Là encore, l’enseignement bouddhiste consiste à se préoccuper des autres pour les aider et les protéger.  Au moment d’une réflexion sur un choix d’emploi ou d’études, cette notion d’action juste nous invite alors à nous interroger sur la nature même des rapports et des relations que nous souhaitons entretenir avec les autres.

 Les moyens d’existence justes: « en choisissant un métier ou une profession, vous pouvez gagner votre vie de différentes manières, mais si vous souhaitez  gagner plus que de la richesse matérielle, évitez alors dans votre emploi de recourir à des moyens qui peuvent nuire aux autres, de les manipuler ou de les tromper.  Il est évident qu’une profession dans laquelle vous pourriez leur venir en aide (au sens large) constitue un excellent moyen d’existence.  Mais même si vous n’occupez pas un tel emploi, vous pouvez tout de même chercher des moyens d’établir de belles relations avec les autres » (Landaw et Bodian 2007, p.62).

L’effort juste :  Il s’agit d’apprendre à devenir peu à peu plus sensible et plus conscient à ce qui se passe sans cesse dans son esprit et cela dans le but de ne plus se laisser déborder par ses pensées et émotions négatives, en particulier dans des  moments de vie difficiles et tels que peuvent l’être des situations d’impasses sur le plan professionnel.  La notion d’effort est à relier à celle d’une pratique spirituelle régulière, telle que celle portant à développer une attention qui soit juste.

L’attention  juste : tentez de vous concentrer sur le moment présent, car  comme le disait Tolstoï : « il n’y a qu’un seul moment qui importe, maintenant car c’est le seul sur lequel nous avons du pouvoir » (cité par Harris, 2012).  L’attention juste fait référence à la qualité d’attention qu’il est possible de développer dans l’ici et maintenant pour devenir plus sensible à ce qui se passe en nous et à l’extérieur de nous, et cela au lieu d’être perdu dans le tourbillon incessant de ses pensées.

Face  à une situation d’impasse sur le plan professionnel ou à l’heure des choix de carrière, il peut être fort utile de « s’observer de l’intérieur » de manière à être en mesure de rassembler des informations importantes sur ses ressentis afin de savoir s’il faut changer de comportement ou persister (Harris, 2012).  Des exercices de méditation de la pleine conscience peuvent alors être utiles pour se ressourcer, se recentrer, se concentrer et ainsi ramener ses pensées bloquées dans les ruminations du passé ou des inquiétudes envers l’avenir.

 La concentration juste : apprenez à développer une vision des choses qui soit moins soumise à l’état de vos émotions du moment… En ce sens, une vision plus profonde de la nature des choses. La pratique de la concentration juste vise à développer la capacité à rester centré (lesplusbeauxmatins.fr). Elle renforce et est renforcée par la concentration juste.  En pratiquant la concentration juste on accepte ce qui est, ce qui vient. On est investi dans l’instant présent, de tout son être. Tout ce qui vient vient. Lorsqu’on est sujet des inquiétudes vis-à-vis de sa carrière ou de son orientation professionnelle, il s’agit  alors d’accueillir ce que l’on vit avec recul et clairvoyance, comme on verrait défiler les nuages dans un ciel et sans chercher alors à s’y accrocher. Des techniques issues de la méditation de la pleine conscience et notamment présentes dans la thérapie d’acceptation et d’engagement peuvent y contribuer.

Tandis que les personnes qui consultent un conseiller d’orientation (ou un orienteur), expriment avant tout rechercher chez ce dernier une compétence à pouvoir recadrer leur situation problématique (Figler et Bolles, 1999, cités par Losier 2008), il apparaît que la sagesse du bouddhisme offre, en ce sens, de bien belles pistes d’investigation pour clarifier sa vraie nature et ses objectifs de vie.

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