L’acceptation et l’engagement au service de l’individu hypermoderne en quête de sens

Tandis que depuis déjà quelques décennies les idées et les valeurs qui sont représentatives de la modernité sont en crise (Aubert, 2006; Rhéaume, 2006),  à savoir la croyance en une grande science qui nous rendrait enfin tous libres et heureux, et sous l’influence grandissante de la consommation de masse, la postmodernité laisse peut à peu la place à celle à une nouvelle ère, celle de l’hypermodernité (Barus-Michel, 2006;  Jauréguiberry; 2004).

Dans cette hypermodernité, l’homme serait ainsi libéré de toute entrave, préoccupé avant tout par sa propre jouissance et son épanouissement personnel (Aubert, 2006).  Vincent de Gaulejac  (2011), évoque une injonction désormais forte  d’être un sujet pleinement autonome et fondamentalement individualiste (Aubert, 2006), qui navigue dans une mer teintée par l’idéologie de la réalisation de soi-même et soumise au culte de la performance et du dépassement de soi (Aubert, 2006).

Ainsi, l’épanouissement serait, en quelque sorte dépassé. Seule la performance subsisterait, tant pour l’organisation soumise aux impératifs de la concurrence globalisée, que pour  l’individu qui serait contrait à devoir adopter des normes de comportements impliquant le dépassement de ses propres limites.

Une vision qui fait froid dans le dos et malheureusement en partie vraie !

Alors que les salariés ont de moins en moins d’assurances par rapport à leur avenir professionnel,  ils sont pourtant sommés de s’engager sans cesse davantage dans leur travail, voire de s’y dépasser, notamment dans l’espoir de pouvoir le conserver (Hélardot, 2010).  Senett (2000), évoque à ce sujet les « incertitudes identitaires», qui en découlent, posant la question : «Comment un être humain peut-il se forger une identité et se construire un itinéraire dans une société faite d’épisodes et de fragments ? » (p.38). Gilles Herreros (2011), ajoute que dans les organisations «L’hypermodernité exige de chaque individu que toute sa personne soit mobilisée à son profit  pour réaliser ce qu’on attend de lui ».

L’idée défendue par Aubert (2005 ; 2006; 2008 ; 2010 ), est intéressante : D’un côté de l’hypermodernité, les individualistes flamboyants (cité par Gaulejac, 2006), toujours plus pressés et qui n’ont jamais été autant sollicités, interpellés, stressés et pressés, en quête d’épanouissement durable, de performance, soumis à l’excès d’eux-mêmes (Aubert, 2006), et qui se consument dans une sorte de frénésie d’hyperactivité.  De l’autre, se retrouvent alors les exclus de cette hypermodernité, condamnés à de la précarité ou de l’échec.

Dans une société québécoise (tel est aussi le cas pour l’ensemble des pays de l’OCDE), ou 35,8% des travailleurs estiment être en situation d’insécurité d’emploi (à savoir ne pas être en mesure de pouvoir s’y maintenir durablement) (Vézina, et al., 2011), et/ou les emplois à temps partiel ont cru de 32,8% (ISQ, 2011), entre 2000 et 2011, on peut en conclure qu’une large partie de la population se retrouve bien du côté des isolés.

Ainsi, la vacuité de l’existence des seconds s’opposerait ainsi à l’intensité de celle des premiers (Aubert, 2006).

Sur le plan professionnel, ceux qui seraient les « resplendissants » de cette hypermodernité occupent alors des fonctions d’encadrement, de gestionnaires de haut vol par exemple, sans cesse soumis à une accélération de leur rythme de travail.   Dans ce domaine, la seule loi possible de l’individu, c’est celle de son propre désir. Eugène Enriquez évoque ainsi l’apparition d’individus nouveaux « sans surmoi, sans idéal du Moi [sauf l’argent, le sexe, la sécurité ou la santé], et qui font de leur désir et de leur plaisir le paradigme de leur vie ». (Cité par Aubert, 2006). Les pathologies de l’épuisement professionnel concerneraient en priorité ces individus hypermodernes et « calcinés ».

On l’aura compris, cet individu hypermoderne n’est que dans une liberté apparente car, en réalité, il demeure sous haute tension (Aubert, 2006).

Et qu’arrive-t-il quand cet individu hypermoderne ne convient plus à son employeur, parce qu’il n’excelle plus ou parce qu’il ne parvient plus à suivre ou qu’il ne peut plus conserver son investissement passionnel (Aubert, 2006) à l’égard de son travail ?

Face à un tel contexte, nombreux sont les individus qui « craquent » et cherchent une porte de sortie à leur situation, tandis qu’il se sentent alors piégés, enfermés dans une voie qui, selon eux, ne présente aucune issue. D’un côté, un emploi qu’ils ne peuvent plus tenir et de l’autre la peur du vide, l’angoisse de l’après, l’inquiétude au sujet de leur propre devenir. Ils se sentent alors stressés, anxieux, parfois même désespérés.

Tandis que la souffrance au travail s’invite de plus en plus dans les demandes de consultation chez les conseillers en orientation (Baron, Baron et Grégoire, 2012), ces derniers ont, à leur disposition, une multitude de modèles pour accompagner leurs clients  ainsi « fragilisés ».

Au-delà des approches classiques sur lesquelles je n’aurais pas le temps, ici, de revenir, des approches récentes et issues du domaine de la psychologie clinique présentent d’intéressantes perspectives pour les conseillers d’orientation.

Selon Hayes, Strosal et Wilson, (1999), les fondateurs de l’ACT (pour thérapie d’acceptation et d’engagement), une des principales sources de nos difficultés réside dans notre incapacité encouragée par la société « à rester présents à la souffrance et ainsi à nous désengager de notre dialogue intérieur permanent pour agir en accord avec nos valeurs » (Hayes, 2009, p.1).

Ainsi, nous cherchons davantage à nous sentir bien plutôt qu’à identifier ce qui nous est réellement significatif en accord avec nos aspirations et besoins profonds.

Selon Hayes (2009)  » l’opinion dominante sur la souffrance est qu’il faut la réduire ou la faire disparaître afin que la vie puisse s’améliorer » (p.2). Le fond du problème serait donc la douleur elle-même. Plus précisément, ce serait la douleur associée à nos incertitudes, nos doutes sur notre avenir et sur nous-mêmes.

Dans une société aussi défiante à l’égard de tout ce qui pourrait nous faire « souffrir », les fondateurs de l’ACT se proposent donc de voir les choses bien autrement (Hayes, 2009). Ainsi, il s’agit de nous amener à considérer nos peurs, nos craintes et les pensées et émotions qui y sont associées comme étant des sources d’apprentissage, dans la mesure où ce n’est pas tant ce que nous pensons et ressentons qui importe, mais bien davantage la relation que nous entretenons avec nos pensées et ressentis.

Inspiré de la pleine conscience (avec, en arrière-plan, les fondements de la spiritualité bouddhiste), l’ACT valorise non pas le contrôle, mais l’acceptation; autrement dit, il ne s’agit pas de chercher à changer le contenu des pensées ou d’essayer de faire disparaître les émotions douloureuses, mais davantage d’amener l’individu à modifier la nature de la relation qu’il entretient  avec ses pensées et ses émotions (Monestès, Villatte, 2011).

Dans cette perspective, l’ACT (Hayes et al., 1999 ; 2012) propose essentiellement trois volets :

  1. Apprendre à accepter nos émotions et nos pensées (même les plus douloureuses) tout en demeurant en contact avec elles et sans se laisser paralyser par ces dernières en cultivant davantage le contact avec le moment présent;
  2. Choisir une direction qui soit congruente avec ses valeurs;
  3. Transposer ces valeurs en action et s’engager envers celles-ci;

Voici une intéressante perspective pour les conseillers d’orientation qui nous invite rien de moins qu’à aborder la condition humaine d’une manière radicalement originale (Harris, 2012), pour aider les individus à retrouver du sens à leur vie et, par extension, à leur travail.

 

Un portrait des immigrants français au Québec

Cet article s’inscrit dans la continuité de celui que j’avais rédigé au sujet de l’insertion professionnelle des immigrants sur le marché du travail québécois.

Étant moi-même français d’origine et installé au Québec depuis 2005, je souhaitais connaître la situation de mes compatriotes ici. C’est donc assez naturellement que je me suis brièvement penché sur la question. Je vous livre donc ici quelques éléments que j’ai retenus à ce sujet.

Tout d’abord un constat s’impose : les français n’ont jamais été aussi nombreux à se poser la question de savoir comment travailler au Canada.

Ainsi, et parmi les immigrants qualifiés, les immigrants provenant de la France seraient au nombre 120 000 au Québec (chiffre non vérifié, Consulat général de France, 2013) et dont 90% seraient établis dans la grande région de Montréal.

Il apparaît qu’ils présentent, à de nombreux égards, le portrait d’une « immigration réussie » (Linquette, 2008). En effet et bien que sur le plan socio-économique (MICC, 2006, cité par Linquette, 2008), plusieurs informations intéressantes ressortent, telles que 36.7% de cette population immigrante détient un grade universitaire ou encore que les revenus moyen (37 371 $) et médian (29 002 $) de la population  immigrée provenant de la France étaient, en 2006, plus élevés que ceux de l’ensemble de la population québécoise (32 074 $ et 24 430 $ respectivement), il en ressort néanmoins un chiffre plutôt surprenant : celui du taux de rétention de cette population au Québec !

En effet et même s’il n’existe pas de chiffres officiels en la matière qui fassent consensus, le journaliste de l’émission Enjeux diffusée sur Radio Canada le 8 juin 2004 (cité par Linquette, 2008), avançait « que ce n’est pas 5%, mais 20% des Français qui quittent le Québec après deux ans et demi, un autre tiers après 5 ans et près de 50% au bout de huit ans ! » (p.67).

Une chose semble donc ressortir : les immigrants provenant de la France seraient, parmi les différentes communautés d’immigrants qualifiés s’installant au Québec, ceux qui, en proportion, sont les plus nombreux à repartir dans leur pays d’origine après quelques années passées au Québec !

À cela plusieurs explications sont possibles.

Contrairement à une immigration de type « sud-nord » ou le retour au pays d’origine est difficilement envisageable, l’option du retour pour les immigrants provenant de la France est rarement exclue sans être pour autant synonyme d’échec (Papinot, Leher, Vilbrod, 2012).

De plus, le Québec est en compétition avec les autres pays de l’OCDE ainsi qu’avec le reste du Canada pour attirer et sédentariser cette population très qualifiée qui est, par essence, très mobile.  Ainsi et au-delà du défi que constitue d’avoir à séduire et inciter ces immigrants qualifiés à venir vivre et travailler au Québec, il est tout autant question de leur permettre de s’y sédentariser durablement !

En effet et tout comme les autres groupes d’immigrants, les Français et plus que les Québécois, « à  défaut de trouver un emploi correspondant à leurs attentes et à leurs compétences, seraient donc poussés à accepter des emplois atypiques » (Boulet, 2008, p.44).  Cette situation entraîne de possibles difficultés de maintien en emploi et cela consécutivement à une insatisfaction durable. Dès lors se pose alors sérieusement pour eux  la question du retour en France.

À titre d’exemple et dans leur étude portant sur l’insertion professionnelle de jeunes Français à Montréal ayant décidé de retourner en France (Papinot, Leher, Vilbrod (2012), les auteurs rapportent que sur les dix-huit Français interrogés, seuls dix avaient réussi à décrocher un emploi stable durant leur séjour (de 6 ans) au Québec.  De plus et pour ceux restés au Québec, ce sont alors cinq sur vingt-cinq interrogés qui occupaient en 2012 un emploi permanent (soit 20% seulement), tandis que cinq autres occupaient un emploi de travailleur autonome au moment de l’enquête.

Ils précisent qu’il  apparaît dès lors « qu’instabilité et déclassement participent sans aucun doute de la décision de rentrer en France et, de fait, un des points d’achoppement semble manifestement se constituer autour d’une adaptation à la flexibilité d’emploi comme norme du marché du travail nord-américain » (p.343).

Cette situation qui témoigne d’une relative difficulté du Québec à garder sur son sol une population aussi qualifiée est là encore d’autant plus regrettable pour la province que l’immigration française y pèse tout de même d’un certain poids tant sur le plan démographique qu’économique, dans un contexte, ou le Québec connaît actuellement,  rappelons-le, une situation de pénurie de main-d’œuvre qualifiée !

Sur le plan politique, la question est clairement d’actualité puisque le gouvernement provincial est actuellement en train d’opérer certains changements, s’inspirant ainsi de la modernisation de la loi sur l’immigration  faite par Ottawa. Je journal le Devoir (2015) souligne à cet effet que  » l’accent sera mis sur l’économie, par une meilleure adéquation entre le recrutement des immigrants et les besoins de main-d’oeuvre « .  » La clé : dénicher les candidats ayant le bon profil pour occuper les emplois vacants ».

Même si de ce point de vue, les lignes de force semblent bouger, il n’en demeure pas moins qu’au niveau des individus la réalité demeure bien contrastée.

 

Les immigrants et le marché du travail québécois

Les écrits sont innombrables sur la réalité socioéconomique des immigrants au Québec et mon intention, ici, ne consiste nullement à vouloir en retracer les principaux contours, mais bien davantage de tenter de présenter un portrait chiffré de leur situation sur le plan de leur insertion économique actuelle.

Avec 51 959 nouveaux admis en 2013, le Québec accueille un nombre croissant d’immigrants sur son territoire (Immigration, Diversité et Inclusion, 2014), c’est un fait. Autre fait incontestable : ces derniers contribuent indiscutablement au développement économique, linguistique et démographique de la province (MICC, 2011), tandis que  la pénurie de main-d’œuvre qualifiée demeure bien réelle, puisque la fédération des chambres de commerce du Québec (FCCQ, 2010, p.2), précise qu’à partir de 2012-2013 « les personnes qui ont quitté le marché du travail étaient plus nombreuses que celles qui intégreront la population active ». En résumé, il y a donc un besoin réel de main-d’œuvre qualifiée dans la province ! (c’est d’ailleurs le cas pour l’ensemble du Canada), et c’est une bonne nouvelle pour tous ceux et celles qui projettent justement de venir vivre dans la belle province.
Pourtant, et c’est ici que le ciel s’assombrit quelque peu.

En effet, tout d’abord, il est intéressant de constater que la majorité des immigrants prépare assez peu son intégration sur le marché du travail (et c’est normal puisqu’il s’agit d’abord, pour certains, d’assurer leur sécurité en s’établissant dans un pays « libre »). Autrement dit, l’essentiel consiste d’abord à faire le grand saut puis après seulement à s’intéresser à son « employabilité ». C’est alors souvent la découverte et les « mauvaises » nouvelles peuvent alors apparaître (non-reconnaissance de la plupart des diplômes étrangers par exemple). Ce manque de préparation peut expliquer, en partie seulement, le taux de chômage des immigrants qui est significativement plus élevé que celui des Québécois de « souche ».

En fait, l’essentiel de l’explication se trouve ailleurs, mais tout d’abord, voici plusieurs éléments chiffrés qui permettent de brosser un portrait plus précis de leur situation :  en 2006, le taux d’emploi de la population native du Québec (82,6%) était de 11,4 points de pourcentage supérieur à celui des immigrants (71,2%). De plus, le taux de chômage des immigrants y était de 11,2% de la population active, contre 5,2% pour les natifs (Boulet et al., 2010).

Stéphane Marion, chef économiste de la Banque Nationale et interrogé par le journal Les Affaires (2015), précise que le Québec doit absolument mieux intégrer sur le marché du travail les immigrants s’il veut avoir une chance de maintenir une croissance économique. D’ailleurs et comparativement aux autres grandes villes canadiennes, l’orientation au Québec est primordiale car c’est ici que l’intégration économique des immigrants qualifiés y est la plus difficile. Ainsi, le taux de chômage de ces immigrants de langue française atteint 27% à Montréal, tandis qu’il se situe à 14% dans la ville de Toronto (Marion, 2015).

Concernant ce que Girard, Smith et Renaud (2008), qualifie de « discrimination statistique de la part des employeurs », ils avancent l’explication selon laquelle « les employeurs généralisent les caractéristiques de certains immigrants, considérant leur expérience de travail et leur éducation de qualité inférieure à celles acquises au Canada » (p.793).

Conscients d’avoir à acquérir rapidement des premières expériences professionnelles « locales » afin de rassurer les employeurs sur leurs compétences, les immigrants qualifiés seraient d’eux-mêmes enclins à un certain déclassement, en acceptant des premières expériences professionnelles au Québec qui sont situées en dessous de leurs qualifications, gage, croient-ils, d’une meilleure intégration par la suite.

Dans ces conditions, ce sont 43% des travailleurs immigrants âgés de 25 à 54 ans qui se trouvaient en situation de surqualification en 2012, contre 29,7% pour le reste de la population  (MICC, 2013).

Alors qu’ils espèrent que cette situation sera temporaire, celle-ci peut être amenée à perdurer dans le temps dans la mesure où désormais les employeurs successifs se basent sur le niveau du premier emploi pour évaluer de tels candidats. En fait et si l’acceptation d’un emploi sous-qualité contribue, dans un premier temps, à les insérer sur le marché du travail, il entraîne pourtant, par la suite, de fâcheuses conséquences négatives pour les immigrants qualifiés (Bégin, 2009).

En conséquence, leur « suréducation » à l’effet inverse puisqu’elle freine les « possibilités de mobilité ascendante » (Bégin, 2009, p.280).

Girard, Smith et Renaud, (2008), résument cette situation ainsi : « plus le statut économique avant l’immigration est élevé, plus les chances sont faibles de retrouver ce statut une fois au Québec ! » (p.795).

Ils ajoutent que le Canada perd chaque année entre 2 et 5,9 milliards de dollars justement à cause de la sous-utilisation de la compétence des immigrants.

En synthèse et dans son rapport sur la qualité d’emploi des immigrants du Québec par rapport aux natifs, Boulet (2011), précise que ces derniers rencontrent finalement 3 problèmes majeurs sur le marché du travail:

  1. L’emploi atypique (emploi permanent et à temps partiel, temporaire, travail autonome) y est nettement plus fréquent chez cette population;
  2. La surqualification chez les immigrants est plus fréquente que chez les natifs
  3. Le fossé se creuse entre le salaire des immigrants et celui des natifs.

Sur la durée, Renaud (2004) rapporte des éléments suivants :

  • 50% ont trouvé un emploi dans les premières 15 semaines d’arrivée ¤ à la 1re année d’installation,  22% disent faire un travail requérant des qualifications supérieures à celui qu’ils effectuaient dans leur pays d’origine.
  • À la 3e année d’établissement, ce qui correspond à peu près au 4e emploi, on observe une stabilité en emploi.
  •   Il faudra attendre 10 ans pour que 75% des répondants affirment occuper un poste égal ou supérieur à celui occupé dans le pays d’origine.

Dans ces conditions, il est important, pour ceux qui souhaitent s’insérer durablement au Québec, de prendre soin de bien s’informer et se faire conseiller afin de savoir comment travailler au Canada et cela de manière à être ensuite en mesure d’élaborer une stratégie claire et réaliste. Le but étant ainsi d’éviter d’être confronté à une forme de « précarité » au travail qui, à la longue, serait susceptible d’affecter leur moral, voir leur état de santé psychologique  (Kapsalis et Tourigny 2004, cités par Cloutier-Villeneuve, 2014), affectant  même, chez certains, leur optimisme et leur rêve d’une vie meilleure au Québec.

L’orienteur et le conseiller d’orientation

En se référant au guide d’évaluation édité par l’OCCOQ en 2010 (Ordre des Conseillers et Conseillères d’Orientation du Québec), voici ci-dessous à quoi correspond aujourd’hui le champ d’exercice de la profession d’orienteur et qui peut se résumer de la manière suivante :

« Évaluer le fonctionnement psychologique, les ressources personnelles et les conditions du milieu, intervenir sur l’identité ainsi que développer et maintenir des stratégies actives d’adaptation dans le but de permettre des choix personnels et professionnels tout au long de la vie, de rétablir l’autonomie socioprofessionnelle et de réaliser des projets de carrière chez l’être humain en interaction avec son environnement » (OCCOQ, 2010).

Si l’on remonte un peu le fil du temps, on s’aperçoit que notre profession a beaucoup évolué afin de s’adapter aux besoins changeants de la population (Michaud, 2006). En effet, sous l’impulsion de la diversification des emplois (Savickas, Nota et al., 2010), notre mission s’est progressivement élargie, en ajoutant à la mission historique d’éducation au choix de métier dans le milieu scolaire (Michaud, 2006), l’accompagnement au développement et à la gestion de la carrière dans une perspective d’orientation tout au long de la vie (Hall, 1996 ; Littleton, Arthur et  Rousseau, 2000 ; Gingras, 2005).

Afin de répondre aux problématiques d’impasses professionnelles et plus largement au caractère imprévisible et parfois chaotique des changements d’emplois (Michaud, 2003) et qui sont de plus en plus fréquents, les modèles d’accompagnement en orientation prennent en compte de nouvelles notions, par exemple, l’incertitude (Gelatt, 1989), le paradoxe (Admunson et al., 2014), le hasard et le chaos (Krumboltz, 1998, 2011). Bref, l’orientation se modernise. De plus, les conseillers d’orientation ont aujourd’hui pour mandat d’évaluer le fonctionnement psychologique de leurs clients et cela dans un contexte ou les préoccupations relatives à la carrière représentent des facteurs de stress pour les individus (Probst, 2005), et ou il apparaît être plus délicat qu’auparavant de gérer son parcours professionnel, tant pour ces derniers que pour ceux qui ont pour objectif est de les y accompagner, c’est à dire les conseillers d’orientation  (Dussault, Fournier et al., 2009).

La profession d’orienteur

Le terme orienteur, bien que toujours très présent dans la bouche de celles et de ceux qui cherchent une aide pour leur carrière ou leurs études, fait plutôt référence à un temps ancien ou le rôle du c.o était alors cantonné aux seules écoles secondaires québécoises.  On retrace d’ailleurs l’origine de ce terme possiblement à l’établissement de l’association des orienteurs professionnels (Mellouki, Beauchemin, 1994) au Québec, et avant que celle-ci ne se transforme en un ordre professionnel en 1994.

Une fois par année, chaque élève du collégial qui arrivait à la fin de son parcours, était alors amené à rencontrer un c.o qui allait  ainsi établir des prédictions quant à son avenir professionnel, se trompant bien souvent d’ailleurs ! Nombreuses sont les histoires d’individus déçus de ce que leur c.o d’alors leur avait prédit tandis qu’à 15 ou 16 ans ils ne savaient eux-mêmes pas quel métier choisir (ce qui est normal à cet âge-là !) . Autant dire que la réputation, parfois mauvaise, de notre profession remonte probablement à cette époque « d’espérances déçues ».  Le terme orienteur nous ramène peut-être un peu à cela… « Celui qui croit savoir et qui finalement ne sait pas grand-chose »… Certaines mauvaises langues pourraient-elles affirmer.

Ceci dit, l’orientation demeure une profession complexe, au confluent de la psychologie, des ressources humaines et de l’éducation, alors même que le travail reste une dimension centrale dans la vie des gens. Par ailleurs, comment évaluer un processus d’orientation efficace et utile ?…Sur quels critères précis faudrait-il se baser ? Celui d’être enfin en mesure de faire LE bon choix ?  Pas si évident  que cela, surtout quand la personne ne sait pas elle-même quelle décision prendre…

Quand on consulte un professionnel de la santé, on peut «mesurer» l’efficacité d’une intervention….un problème de dos qui se règle, une dent bien soignée….mais en relation d’aide et qui plus est quand celle-ci renferme une forte composante psychologique….difficile de dire précisément de quelle manière le conseiller d’orientation a pu être «utile» pour son client….d’autant que les attentes sont souvent très élevées puisqu’être sur la bonne voie professionnelle n’augmenterait-il pas « le taux de bonheur » ? Tout un programme… Cela est d’autant plus délicat que 51% à 60% des individus qui consultent aujourd’hui un orienteur souffrent d’un niveau élevé de détresse psychologique, justement en relation avec des difficultés de prise de décision (Multon et al., 2001; 2007).

L’orienteur c’est un peu comme cette vieille connaissance, ce cousin éloigné,  qu’on connaît bien et avec lequel on n’a pas nécessairement de bons souvenirs, mais qui nous ramène, presque un peu malgré nous, à des temps anciens, ceux d’une jeunesse hésitante, empreinte au doute et aux questionnements alors qu’on attendait, alors fébrile, que quelqu’un nous désigna volontiers une «voie toute tracée »…

 

Les intérêts professionnels

Les intérêts sont le reflet de notre personnalité, de nos motivations et de notre concept de soi. Ils sont à la fois héréditaires et appris. Bien qu’ils puissent changer, ils sont tout comme les traits de personnalité, relativement stables (Borsenberger, 2015).

Les tests les plus couramment utilisés dans une démarche d’orientation sont ceux qui tentent d’établir un profil d’intérêts (source : Borsenberger). Il est important de distinguer les intérêts des aptitudes et des profils de personnalité. Le profil d’intérêts aide à définir la direction qu’une personne désire prendre concernant sa vie professionnelle et ce qui peut lui permettre de donner un sens à sa carrière.

Pour parler des intérêts, il existe plusieurs théories, mais la plus populaire demeure la typologie du chercheur américain John Holland qui comprend les six types de personnalité (Réaliste, Investigateur, Artistique, Social, Entreprenant, Conventionnel). Ce modèle a pour nom le RIASEC et prend la forme d’un hexagone :

Les principe de base de la théorie de John Holland sont les suivants (Grégoire, 2012) :

1.Les choix de carrière que les individus effectuent sont le reflet de leur personnalité.

2.Dans notre société nord-américaine, la plupart des individus peuvent être classés en fonction de leur degré de ressemblance avec 6 types de personnalité : les réalistes, les investigateurs, les artistiques, les sociaux, les entrepreneurs, et les conventionnels.

3.Les environnements de travail peuvent eux aussi être classés en fonction de leur degré de ressemblance avec six types d’environnements. Des environnements de types réalistes, investigateurs, artistiques, sociaux, entrepreneurs et conventionnels.

4.La satisfaction, la stabilité et le succès sur le plan vocationnel dépendent de la congruence entre la personnalité de l’individu et l’environnement dans lequel il travaille.

Dans le cadre d’un processus d’orientation, Orientation Québec est amené à vous proposer la passation d’un questionnaire disponibles sur mon site, visant à définir votre profil RIASEC. Cette information peut être bien utile car elle facilite ensuite l’exploration de programmes de cours et de métiers (via un site réservé aux conseillers d’orientation) qui sont concordants avec ce profil RIASEC identifié.

Approche d’acceptation et d’engagement

Selon Hayes, Strosal et Wilson, (1999), les fondateurs de l’ACT (pour thérapie d’acceptation et  d’engagement), une des principales sources de nos difficultés réside dans notre incapacité encouragée par la société « à rester présents à la souffrance et ainsi à nous désengager de notre dialogue intérieur permanent pour agir en accord avec nos valeurs » (Hayes, 2009, p.1).

Ainsi, nous cherchons davantage à nous sentir bien plutôt qu’à identifier ce qui nous est réellement significatif en accord avec nos aspirations et besoins profonds (nos valeurs). Selon l’ACT, ce sont la trop grande fusion avec nos pensées et l’évitement de nos expériences intérieures, même douloureuses, qui sont à l’origine de la plupart de nos souffrances psychologiques.

Dans une société aussi défiante à l’égard de tout ce qui pourrait nous faire « souffrir », les fondateurs de l’ACT se proposent donc de voir les choses bien autrement (Hayes, 2009). Ainsi, il s’agit de nous amener à considérer nos peurs, nos craintes et les pensées et émotions qui y sont associées comme étant des sources d’apprentissage, dans la mesure où ce n’est pas tant ce que nous pensons et ressentons qui importe, mais bien davantage la relation que nous entretenons avec nos pensées et ressentis.

L’intérêt de l’ACT réside dans le fait que cette approche vise à aider la personne à retrouver de la flexibilité psychologique.  Autrement dit, il s’agit de développer la capacité à ne pas agir uniquement dans le but de vouloir absolument modifier les pensées, émotions et sensations que nous percevons comme étant douloureuses (Villatte, Monestès, 2010). Le sens de l’ACT peut se résumer ainsi : « créer une vie riche et pleine de sens tout en acceptant la douleur qui l’accompagne » (Harris, 2012, p.25).

Références

Grégoire, S. (2010). L’apport des programmes basés sur la pleine conscience en counseling de carrière. Communication présentée dans le cadre du colloque de l’OCCOPPQ, Québec, juin 2010.

Piot, F. (2014). La thérapie d’acceptation et d’engagement appliquée au counseling de groupe auprès d’adultes en situation de bilan de compétences et dans une perspective de bilan de carrière. Communication donnée à l’Université du Québec à Montréal dans le cadre des conférences « De la pratique à l’Université » du cours Séminaire d’intégration (CAR 8901) sous la direction de Louis Cournoyer, professeur, Montréal.

Le Flow ou la recherche de l’expérience optimale dans le travail

Appartenant au thème des expériences subjectives positives, le concept de flow (ou d’expérience optimale) a pour père fondateur le psychologue hongrois Mihaly Csikszentmihalyi (1965).  Selon lui, l’expérience optimale « produit un sentiment d’enchantement profond qui est si intense que les gens sont prêts à investir beaucoup d’énergie afin de le ressentir à nouveau »  (Csikszentmihalyi, 2004, p.80). Autrement dit, il y a une telle intensité dans ce qu’on fait qu’on en oublie le reste….Cela peut être un menuisier en train de fabriquer un meuble ou un publicitaire qui réfléchit à un nouveau slogan par exemple.

Plus précisément, sa recherche et sa théorisation du concept d’expérience optimale découlent d’un souci de décrire et de mieux comprendre les caractéristiques d’expériences qui procurent un si haut niveau de plaisir et de satisfaction chez les individus qui les vivent (Nakamura et Csikszentmihalyi, 2002).

Pour Csikszentmihalyi (2004), le travail peut ressembler à un jeu si les objectifs définis à l’intérieur de celui-ci sont clairs et s’il donne l’occasion de vivre une rétroaction immédiate (Brathod-Prothade, 2012). Le flow doit représenter un point équilibre entre ce que l’individu perçoit du niveau de difficulté correspond à l’activité ou la tâche qu’il doit réaliser en lien avec son propre niveau de compétences.

Les 8 caractéristiques fondamentales pour ressentir du flux (ou flow en anglais) dans ce que vous êtes en train de faire sont les  suivantes :

La théorie du flux invite donc à rechercher des activités (y compris un emploi) qui seraient propices à en vivre le plus possible.

Ce qui est intéressant réside dans le fait que c’est précisément dans le travail que nous sommes susceptibles d’en vivre le plus car c’est grâce à celui-ci qu’il nous est (en théorie) le plus possible d’utiliser au maximum nos capacités et compétences.

Les résultats de l’étude de Demerouti (2006) portant sur les relations entre les expériences optimales et la performance au travail tendent à confirmer que certaines caractéristiques d’emplois comme la variété des tâches, l’autonomie, la rétroaction sur l’exécution des tâches, la bonne identification des tâches ainsi que la signification qu’elles recouvrent pour l’employé sont bien des caractéristiques qui favorisent l’apparition d’expériences optimales durant le travail.

Dans la recherche d’un emploi, il est alors important de prêter attention aux caractéristiques suivantes, telle que l’autonomie, le support des autres, le coaching et la rétroaction sur les performances car elles représentent les éléments essentiels favorisant l’émergence d’expériences optimales.

La notion de flow peut nous aider à prendre des décisions professionnelles de deux façons :

Premièrement par la conversation et lors de vos rencontres conversationnelles, n’hésitez pas à demander à vos interlocuteurs quels types d’activités ils accomplissent en général quand ils vivent du flux dans leur travail.

De plus, pourquoi ne pas décider de tenir un journal de flux pendant une semaine ou davantage en notant, quotidiennement, les types d’activités qui vous en procurent (dans le travail ou les loisirs). Cela vous aidera par la suite à identifier des types de métiers qui pourraient être plus épanouissants pour vous.

Attention, le flux ne fait pas tout ! Nous avons besoin d’en retrouver dans notre travail, tout autant que nous avons aussi besoin que celui-ci puisse incarner nos valeurs profondes. Autrement dit, nous avons besoin de flux et de sens !

Comment se réaliser dans son travail ?

Se réaliser dans sa carrière avec Frédéric Piot, PhD., conseiller en orientation

Vous trouverez ici une activité qui pourrait vous aider à clarifier le choix d’un nouveau métier : Atelier comment se réaliser dans son travail (PDF).

Celui-ci est constitué de plusieurs exercices et que j’ai adapté du livre de Roman Krznaric Comment se réaliser dans son travail (2012).

L’un d’en eux  propose une manière originale de passer une « petite annonce ».  L’idée qui sous-tend cet exercice est à l’opposé d’une recherche standard : ici, les journaux ne proposent pas des offres d’emploi mais des personnes qui sont à la recherche d’un emploi.

Vous ne devez pas partir du principe que vous êtes forcément le meilleur juge de ce qui peut vous apporter l’épanouissement. Du coup, vous allez rédiger une annonce et demander l’avis de personnes de votre entourage.

Fonctionnement de l’exercice :

  1. Rédigez d’abord une annonce sur une demi-page (voir l’exemple ci-dessus) pour expliquer aux gens qui vous êtes et ce qui compte pour vous dans la vie.
  2. Indiquez vos talents, qualités, compétences, passions, intérêts, hobbies, ainsi que les causes et valeurs qui vous tiennent à cœur. Ajoutez aussi vos défauts personnels et tous les éléments qui comptent à vos yeux (environnement, types de collègues et conditions de travail souhaitées). N’indiquez ni un métier particulier, ni un diplôme ou votre passé professionnel. Restez au niveau de vos motivations et centres d’intérêts.
  3. Ensuite, dressez une liste de 3 à 6 personnes de votre entourage et que avez rencontré dans vos différentes sphères de vie et envoyez-leur votre annonce en leur demandant de vous suggérer 2 ou 3 métiers qui pourraient, selon elles, correspondre à ce que vous avez écrit. Demandez-leur d’être spécifique et précis dans leur choix.

Vous allez probablement vous retrouver avec des métiers hétéroclites. C’est normal !

Le but est de vous permettre d’élargir vos horizons en vous proposant des idées surprenantes de carrières et de métiers mais aussi de vous aider à discerner les nombreux aspects de votre personnalité. Si vous avez des questions, une aide de la part d’un conseiller en orientation pourrait s’avérer fort utile.

A vous de jouer à présent en téléchargeant ces exercices.

La question du sens du travail

De façon générale, le travail représente avant tout une activité qui permet à l’individu de s’exprimer, tant vis-à-vis de lui que pour les autres. Il englobe et dépasse la notion d’emploi.  La valeur travail demeure toujours très importante pour chacun. Ainsi, Gardner et Méda (2006) précisent que  « le travail est, après la famille, l’un des composants essentiels de l’identité. La place et l’importance que lui accordent les individus dépendent néanmoins très fortement de leur catégorie socioprofessionnelle et de leur situation familiale. Si, pour les gestionnaires et les indépendants, le travail est une activité très importante,  cela est beaucoup moins le cas pour les employés et ouvriers, notamment peu qualifiés » (p.1).  Dans l’enquête Histoire de vie, 40 % des personnes interrogées et 54 % des seuls actifs, mentionnent « le métier, la situation professionnelle, les études » au moins une fois dans les trois principaux composants de leur identité ( Gardner et Méda, 2006).

En psychologie de l’orientation, le sens accordé au travail est associé à la notion de vocation que chacun doit trouver pour donner un sens précis à son existence (Frankl, 1963, 1988). Le sens du travail et le sens de la vie apparaissent alors être intimement liés (Pattakos, 2006; Steger et al., 2012).

Selon Morin et Cherré (2007), pour qu’un travail ait du sens, Il doit posséder les 3 composantes suivantes :

De plus,  au niveau des caractéristiques et définitions d’un travail qui du sens pour soi, cela donne principalement (Morin, 2008) :

  1.  Utilité du travail : Il s’agit de faire quelque chose qui est utile aux autres ou à la société, qui apporte une contribution à la société.
  2.  Rectitude morale : Faire un travail quoi soit moralement justifiable, autant dans son accomplissement que dans les résultats qu’il engendre.
  3. Apprentissage et développement : Faire un travail qui correspond à ses compétences, permet d’apprendre, de développer son potentiel et d’atteindre ses objectifs.
  4. Autonomie : Pouvoir exercer ses compétences et son jugement pour résoudre des problèmes et prendre des décisions concernant son travail.
  5. Qualité des relations : Faire un travail qui permet d’avoir des contacts intéressants de bonnes relations avec ses collègues et de l’influence dans son milieu.
  6. Reconnaissance : Faire un travail dont les efforts sont reconnus et récompensés équitablement et pour lequel on reçoit le respect qu’on mérite.

 

 

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