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Regards croisés d’immigrants sur la recherche d’emploi et le marché du travail au Québec

Dans la continuité de mon précédent billet qui portait sur la recherche d’emploi au Canada depuis la France, je souhaitais, ici, interroger autour de moi des Français installés depuis plusieurs années au Québec et bien insérés sur le plan professionnel, afin de recueillir notamment leur vision du marché du travail québécois et en particulier par rapport à la recherche d’emploi pour un français dans la belle province (cela pouvant s’étendre d’ailleurs à tout nouvel arrivant). C’est chose faite !http://www.orientation-quebec.com/comment-trouver-emploi-quebec-en-france/

Sans reprendre les arguments déjà exposés, il apparaît que les Français sont de plus en plus nombreux à vouloir vivre et travailler au Canada et au Québec en particulier. L’histoire, la culture et les relations économiques entre les deux territoires y sont bien évidemment pour quelque chose. Tandis que j’ai déjà pu évoquer plus en détail les deux premiers points, le 3E mériterait souligné, tant les stratégies déployées par le Québec pour séduire toujours plus de travailleurs qualifiés en provenance de la France sont nombreuses. À cet égard, il est possible de citer, par exemple, le salon annuel de l’emploi organisé à Paris par la délégation générale du Québec et qui pour vocation de présenter aux visiteurs les entreprises québécoises prêtes à recruter les travailleurs qualifiés et candidats à l’expatriation.

En effet, on constate, d’un côté, une proportion croissante de la main-d’œuvre immigrante à être qualifiée et de l’autre, une tendance durable chez ces mêmes immigrants à occuper des emplois sous-qualifiés, alors même que le contexte de vieillissement de la population et de pénurie de la main-d’œuvre qualifiée au Québec est bien réel ! Dans ces conditions, la question de l’insertion et du maintien durable en emploi chez les immigrants revêt une importance stratégique pour la province. C’est d’autant plus le cas que le Québec est soumis à une concurrence particulière, celle du reste du Canada qui, ainsi que le rapportent Piché, Renaud et Gingras (2002), exerce une « attractivité pour des raisons économiques et linguistiques, tant sur les étrangers qui envisagent de migrer au Canada que sur ceux qui sont déjà entrés au Québec » (p.1).  En résumé, nombreux sont les travailleurs qui passent par le Québec pour ensuite rechercher un emploi dans le reste du Canada.

Je vous livre donc ici les éléments rapportés par ces Français (et que je remercie encore chaleureusement) en réponse aux questions que je leur avais alors posées.


Depuis combien de temps êtes-vous installé au Québec ?

Romain : « Je suis installé depuis près de 6 ans à Montréal. Je suis Résident permanent depuis 2 ans et je suis passé par à peu près tous les permis de travail temporaires : PVT (1 an à l’époque), jeune professionnel, 2 permis temporaires ‘’classiques’’».

Véronique : « Bientôt 15 ans ».

Katia : « Depuis 2002, sous visa de travail. J’ai obtenu la résidence permanente en 2008 et la nationalité canadienne en 2014 ».

Dans quel domaine travaillez-vous actuellement ?

Romain : « Je travaille en tant que recruteur informatique dans une importante firme montréalaise de +1000 employés à Montréal et 3000 au Canada. J’ai toujours travaillé dans le recrutement et cela depuis 8 ans maintenant, d’abord dans le secteur de l’ingénierie en bâtiment puis ensuite dans le jeu vidéo et l’informatique ».

Véronique : « La philanthropie ».

Katia : « Je suis conseillère d’orientation. Je travaille dans un organisme communautaire, dans un programme d’accompagnement à la recherche d’emploi pour des immigrants, ce qui me permet de les aider à clarifier leur projet professionnel et de leur donner des stratégies de recherche d’emploi adaptées au marché du travail québécois. Je travaille également en pratique privée pour accompagner des personnes en questionnement sur leur carrière ».

Quelles ont été les raisons principales qui vous ont poussées à venir vivre et travailler au Québec ?

Romain : « A la fin de mon V.I.E d’un an au Moyen-Orient– mon premier emploi –  je ressentais le besoin de travailler dans un autre pays évoquant la verdure, les ‘’grands espaces’’ donc une certaine qualité de vie. Le Canada a tout de suite été une évidence pour moi sans que je n’y sois jamais allé. Une fois mon permis vacances travail (PVT) délivré par le gouvernement du Québec en poche et même si je continuais de travailler pour la même société à Paris – mon choix pour Montréal était déjà solidement ancré».

Véronique : « l’aventure et le dépaysement ».

Katia : « Je suis venue à Montréal grâce à une opportunité de travail. Je souhaitais vivre à l’étranger, pour connaître d’autres façons de travailler. Le fait de m’installer dans une province francophone était rassurant pour une première expérience de vie à l’étranger ! Il s’agissait d’un contrat de 3 ans qui s’est finalement prolongé 6 ans. Pendant que je travaillais comme secrétaire, j’ai suivi des cours le soir à l’université, en gestion des ressources humaines. J’ai ensuite complété un baccalauréat en développement de carrière et une maîtrise en orientation pour me permettre de devenir conseillère d’orientation».

Avant votre arrivée, aviez-vous préparé votre recherche d’emploi depuis la France ?  Si oui, qu’aviez-vous alors entrepris comme démarche et pour quels résultats ?

Romain : « Bien sûr, j’avais commencé ma recherche d’emploi au Québec depuis la France. Pourtant, répondre aux annonces d’emploi depuis la France était très tentant, mais j’ai vite compris que plus de 2 mois avant mon arrivée sur place et même avec un le permis de travail – le PVT, les chances de réponses étaient compromises…j’ai donc optimisé les contacts Linkedin jusque 2 mois avant mon arrivée, en tentant d’avoir minimalement 2 échanges avec les recruteurs des entreprises qui m’intéressaient le plus. Il faut véritablement capitaliser sur son réseau Linkedin – Viadeo est quasi inconnu ici – pour se créer des relations en amont de son arrivée au Canada. Finalement, moi qui suis recruteur – cela m’a quand même pris 2 mois une fois sur place pour trouver mon premier emploi ».

Véronique : « Pour ma part, aucune préparation, je voulais qu’il s’agisse d’une expérience complète (aventure) et je n’avais aucun doute de trouver très rapidement du travail étant donné le peu d’informations que j’avais obtenues avant le départ ».

Katia : «Étant donné que j’avais un contrat de travail avant mon départ, je n’ai pas entrepris de démarches de recherche d’emploi. J’ai juste lu des guides d’information sur la vie au Québec ».

Que pensez-vous du fait d’entreprendre sa recherche d’emploi depuis la France et avant même son arrivée au Québec ?

Romain : « Comme je l’ai expliqué et au risque de paraître un petit pessimiste, il ne sert à rien de répondre à des offres d’emploi plusieurs mois avant son arrivée au Québec si on n’a pas déjà un permis de travail (ou un visa de résident permanent) au moment où on postule. Je ferais seulement une exception pour certains développeurs informatiques, mais aussi les techniciens en soudure ou en métallurgie par exemple. Par contre, ajouter des recruteurs ou des managers et leur écrire sur Linkedin n’est jamais une perte de temps ! De plus et par mon expérience d’ancien candidat, les managers québécois répondent bien plus souvent sur Linkedin que ne le font leurs équivalents français ». ».

Véronique : « C’est une bonne idée. Cela permet de mieux réussir son intégration et sa nouvelle carrière, d’avoir une véritable idée de la réalité ».

Katia : « Je suis convaincue que c’est indispensable de commencer à rechercher un emploi au Québec depuis la France, car je constate une grande différence chez les personnes que j’accompagne. Celles qui ont fait des démarches, comme des séjours exploratoires, et des recherches d’information avant d’entreprendre le processus d’immigration au Québec arrivent avec une longueur d’avance et éprouvent moins de déceptions et de frustrations face aux obstacles qui peuvent intervenir dans leur intégration socioprofessionnelle. Les nouvelles technologies permettent d’obtenir beaucoup d’informations à distance, encore faut-il pouvoir différencier l’information pertinente pour soi, c’est souvent un enjeu important que rencontrent les personnes qui arrivent au Québec, car elles sont soumises à ce que l’on peut nommer comme de l’infobésité. Être accompagné par un professionnel de la carrière ici aide à faire la part des choses ».

Comment décririez-vous le marché du travail québécois ?

Romain : « en un mot : flexible ! Avec les bons et les mauvais côtés. Les bons ? Si on perd son travail, et qu’on a de bonnes qualifications, on peut très vite retrouver du travail. Le Mauvais ? On peut se faire ‘’remercier’’ très vite, sans avoir rien vu venir ».

Véronique : « je crois qu’il existe de réelles opportunités d’emploi au Québec, cependant il faut accepter une certaine remise en question et parfois repartir au tout début d’une nouvelle carrière (persévérer et accepter de commencer à des niveaux de salaire bien inférieurs) ».

Katia : « Dynamique, avec une législation du travail souple qui favorise les embauches, mais qui permet aussi de licencier assez facilement un employé qui ne répond pas aux attentes. Cela offre des opportunités aux chercheurs d’emploi, mais il faut savoir que le marché du travail favorise de plus en plus des emplois précaires et à temps partiel. Même si le taux de chômage est plus bas au Québec qu’en France, ce n’est pas l’eldorado non plus ! Il existe des obstacles à la reconnaissance des diplômes et des expériences acquis à l’étranger. De plus, les employeurs ne sont pas toujours ouverts à l’accueil de professionnels étrangers, par peur que ces personnes ne s’intègrent pas rapidement dans l’équipe en place, qu’elles ne travaillent pas selon les façons « locales » et qu’elles ne s’installent pas à long terme au Québec. Il est également important de maîtriser le français pour travailler, mais aussi l’anglais, car même si le Québec est une province francophone, Montréal est une ville multiculturelle et les employeurs exigent souvent un bon niveau d’anglais ».

En quoi diffère-t-il essentiellement du marché du travail en France selon vous ?

Romain : « le marché du travail français est plutôt protecteur pour les salariés (ce qui est très bien), mais aussi beaucoup plus rigide qu’au Québec. Les gens ici se font plus confiance, moins d’écrits, moins de lois du travail. Le climat est à la confiance, beaucoup moins anxiogène».

Véronique : «Ma comparaison est plutôt avec le marché du travail dans les DOM qui reste très pauvre, offre peu d’opportunités d’emploi et de progression, et demeure très basé sur la hiérarchie».

Katia : «Ce sont surtout les stratégies de recherche d’emploi  qui diffèrent et l’approche à utiliser pour contacter les employeurs. Il est important de construire un réseau professionnel qui permet d’obtenir de l’information sur les opportunités d’emploi. Les employeurs s’attendent aussi à ce que les candidats puissent parler de leurs qualités personnelles et de leurs réalisations, pour se démarquer des autres candidats, ce qui n’est pas toujours dans nos habitudes. Ce qui compte surtout pour les employeurs, ce sont les compétences professionnelles et les qualités personnelles du candidat, moins les diplômes».

 Comment qualifieriez-vous votre parcours professionnel ici au Québec ?

Romain : « Wôw quelle question difficile à répondre ! Je dirais varié tout en étant cohérent 😉 ».

Véronique : « Pour ma part, je dirais éclectique. J’ai recommencé presque à zéro, mais j’ai aussi beaucoup appris et c’est aussi très enrichissant de côtoyer des collègues qui viennent de toutes origines ».

Katia : « Mon parcours a été facilité par le fait d’avoir un contrat de travail à mon arrivée, ce qui m’a permis de me familiariser avec la culture sans connaître l’urgence de trouver un emploi. Le fait de maîtriser le français est également un grand atout. J’ai beaucoup apprécié de pouvoir reprendre des études en cours du soir, ce que je n’aurais pas pu accomplir en France, et c’est ce qui m’a permis de me réaliser professionnellement. La réorientation de carrière est très courante et facilitée par le système éducatif adapté aux adultes qui reprennent des études, même s’il n’est pas toujours nécessaire pour les immigrants d’obtenir un diplôme ici pour réussir sa carrière».

Quels conseils donneriez-vous à un français qui projette de venir travailler au Québec ?

Romain : « Je dirais : 1) venir visiter le Québec en été et si possible en hiver avant, 2) faire relativement profil bas à son arrivée … et d’abord écouter, parler ensuite : ici c’est le français l’étranger (même si on est ‘’cousins’’) ».

Véronique : « Consulter les sites de recherches d’emploi pour apprendre comment travailler au Canada, cela permet d’avoir une idée des postes, des salaires, des acteurs, échanger avec un maximum de personnes déjà sur place, quel que soit leur niveau de poste».

Katia : «De s’informer sur la profession que l’on souhaite exercer ici, en venant notamment faire un ou plusieurs séjours exploratoires, si possible à différentes saisons pour se familiariser avec le climat ! Il est important de savoir si la profession que l’on souhaite exercer est régie par un ordre professionnel, car cela nécessitera alors des démarches, parfois longues et coûteuses. Ces démarches peuvent être amorcées à distance ».

 Quelles démarches de recherche d’emploi lui conseillerez-vous de faire depuis la France et avant son arrivée au Québec ?

 Romain : « Linkedin, Linkedin et encore… Linkedin jusque 2 mois avant son arrivée au Québec. Et sinon connaître sur le bout des doigts les possibilités de permis de travail (PVT, Jeune Professionnel…entré express, Résident permanent…), les permis ouverts pour les conjoints…. Sauf si vous êtes développeur ou technicien en métallurgie ou vous pouvez espérer qu’une entreprise fasse les démarches de permis de travail».

 Véronique : « Se renseigner sur les secteurs/domaines d’activités qui l’intéressent, se renseigner sur le marché caché, développer et entretenir son réseau. Se faire une idée des organisations, des façons de travailler et d’interagir, garder une grande ouverture d’esprit. Oser demander les niveaux de salaire pour se faire une véritable idée et avoir une grande ouverture d’esprit».

 Katia : «D’amorcer la construction d’un réseau professionnel, en utilisant les réseaux sociaux, notamment LinkedIn pour être en contact avec des professionnels du secteur d’activité dans lequel on souhaite trouver un emploi ».

Quelles démarches lui conseillerez-vous de faire une fois sur place ?

 Romain : « Réseautez ! checkez les événements de type 7 à 7 en fonction de votre profil, mais aussi de vos intérêts. Faites-vous des alertes courriel d’offres d’emploi pour les entreprises qui vous intéressent ! (Indeed, mais aussi directement sur les sites Carrières) ».

 Véronique : «Aller rencontrer les entreprises, les personnes qui travaillent dans les domaines recherchés, faire preuve d’humilité pour éviter l’attitude souvent reprochée aux Français. Rester ouvert à ce que peuvent vous apprendre les autres. Faire du bénévolat. Retourner faire des cours d’appoint à l’université, même si on possède des équivalences de diplômes. Cela aidera toujours à développer un réseau ».

 Katia : « De prendre contact avec un conseiller d’orientation qui connaît la réalité des personnes immigrantes et qui a une bonne connaissance du marché du travail.  Cela permet de gagner un temps précieux et d’obtenir rapidement l’information pertinente pour favoriser son intégration socioprofessionnelle ».

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